Parfois, les cimetières volants ont aussi froid ...



Aujourd’hui, pour mon mémoire, j’ai entamé la lecture de Villes et Cimetières en France : de l’Ancien Régime à nos jours, rédigé par Madeleine Lassère. Cet ouvrage retrace l’évolution des institutions funéraires de la Révolution jusque 1996 (année de sa publication). Vu son titre et le sujet qu’il traite, on pourrait considérer cet état des lieux comme une somme chronologique bardée de dates et de longues listes de lois qui dont l’entendement n’a plus d’écho aujourd’hui. Ce n’est pas faux. Le livre, s’il est intéressant pour la perspective que je compte adopter, ravira le néophyte pour sa capacité presque naturelle à harasser de sommeil tous ceux qui posent leurs yeux sur ses pages. La faute à un propos pas toujours accessible, cohérent et attirant (on se croirait parfois dans un bon gros code civil avec tous ces rappels de lois énoncées dans le cendrier révolutionnaire) ainsi qu’une structure peu efficace (POURQUOI faut-il qu’elle énonce chaque particularité des cimetières de Dax, Reims, Paris etc … au lieu d’adopter une vision plus globale !?).
Mais comme le dit si bien ce proverbe anglais : Every cloud has a silver lining!
Après la révolution de 1789 et les périodes riches en décès de la Terreur (1793) et de l’accession de Napoléon Bonaparte au pouvoir (1804), on ressent le besoin de réorganiser et de légaliser ces lieux si néfastes et incompris que sont les cimetières. Afin de ne pas manquer leur coup, les autorités organisent en 1800 un concours primé dont le but est de présenter la meilleure voie possible à adopter pour réformer le code du logement mortuaire. Parmi les nombreuses réponses fournies, une est particulièrement épinglée par l’auteur pour son originalité loufoque et ce, malgré la justification très sérieuse de son promoteur.
Ce projet émane en effet d’un professeur en mathématiques de Carpentras qui propose une vision particulière des futures sépultures qui, selon lui, pulluleront à l’aube de ce formidable XIX è siècle. Voici le développement de sa pensée, accompagné des commentaires de l’auteur[1] :
« En attendant les progrès à venir de la science en ce domaine [La mort, NDR] et pour éviter toute inhumation précipitée […] il faut conserver les corps morts par le froid. Dans chaque commune, « un grand globe ou aérostat suspendu au haut des airs portera le vaisseau sépulcral ». Le lieu de conservation des morts étant situé au dessus des nuages, là où il gèle en permanence, la fermentation des corps ne pourra se faire et la congélation permettra de conserver les défunts en léthargie jusqu’à ce que la science sache les tirer de cet état. L’aérostat sépulcral sera attaché au sol par des cordes tressées avec un fil de métal si bien qu’il servira aussi de paratonnerre. « Les morts serviront ainsi à conserver, pour ainsi dire, les vivants ». Il faut mettre tout à profit quand on le peut ! » . Au sol, à l’extérieur de la commune, il y aura une grande enceinte circulaire d’un diamètre largement supérieur au globe avec une sorte de terrasse pour les cérémonies funéraires et pour l’ancrage de l’aérostat. Le cimetière des airs aurait donc son double ou son ombre sur la terre qui s’appellerait « la grande enceinte ».
Même s’il est inutile de préciser que cette entreprise fantastique n’a pas été primée, on ne peut néanmoins que saluer l’imagination débordante de certaines personnes qui arrivent à nous faire sourire sur des sujets graves et à nous émouvoir devant l’anachronie de leurs espérances (cryogénisation power !)
Et puis, à quand des aérostats à mariage ?


[1] Madeleine Lassère, Villes et cimetières en France : De l’Ancien Régime à Nos Jours, Paris, L’Harmattan (Coll. « Chemins de la Mémoire »), 1997, pp. 99-100

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