L'art d'ouvrir l'huître (L'Huître, F. Ponge)

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-->Qui aurait-cru qu'une simple définition d'encyclopédie sur cet innocent coquillage allait inspirer un des poètes les plus novateurs du XX ès (enfin , d'après mes cours bien évidemment)? Car ce qui suit est bel et bien un poème même si la forme est très particulière - très encyclopédique même comme je le mentionnais plus haut ( et puis, si vous trouvez des vers dans l'huître, c'est qu'elle n'est plus très fraîche! [Ha! ha! ha! Blague débile inside]).
Perclus de figures de style ultra-intéressantes (dont je vous ferai grâce pour ma santé mentale), cette pièce littéraire vaut vraiment le détour. Pas pour le contenu mais plutôt la manière de l'amener et de le décrire ...

L'huître, de la grosseur d'un galet moyen, est d'une apparence plus rugueuse, d'une couleur moins unie, brillamment blanchâtre. C'est un monde opiniâtrement clos. Pourtant on peut l'ouvrir : il faut alors la tenir au creux d'un torchon, se servir d'un couteau ébréché et peu franc, s'y reprendre à plusieurs fois. Les doigts curieux s'y coupent, s'y cassent les ongles : c'est un travail grossier. Les coups qu'on lui porte marquent son enveloppe de ronds blancs, d'une sorte de halos.
A l'intérieur l'on trouve tout un monde, à boire et à manger : sous un firmament (à proprement parler) de nacre, les cieux d'en dessus s'affaissent sur les cieux d'en dessous, pour ne plus former qu'une mare, un sachet visqueux et verdâtre, qui flue et reflue à l'odeur et à la vue, frangé d'une dentelle noirâtre sur les bords.
Parfois très rare une formule perle à leur gosier de nacre, d'où l'on trouve aussitôt à s'orner.

Bien entendu, il existe une lecture un peu plus marginale de cette prose. Mais le travail étant suffisamment grossier comme cela, je me refuserai à en rajouter une couche ...

Parfois, les cimetières volants ont aussi froid ...

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Aujourd’hui, pour mon mémoire, j’ai entamé la lecture de Villes et Cimetières en France : de l’Ancien Régime à nos jours, rédigé par Madeleine Lassère. Cet ouvrage retrace l’évolution des institutions funéraires de la Révolution jusque 1996 (année de sa publication). Vu son titre et le sujet qu’il traite, on pourrait considérer cet état des lieux comme une somme chronologique bardée de dates et de longues listes de lois qui dont l’entendement n’a plus d’écho aujourd’hui. Ce n’est pas faux. Le livre, s’il est intéressant pour la perspective que je compte adopter, ravira le néophyte pour sa capacité presque naturelle à harasser de sommeil tous ceux qui posent leurs yeux sur ses pages. La faute à un propos pas toujours accessible, cohérent et attirant (on se croirait parfois dans un bon gros code civil avec tous ces rappels de lois énoncées dans le cendrier révolutionnaire) ainsi qu’une structure peu efficace (POURQUOI faut-il qu’elle énonce chaque particularité des cimetières de Dax, Reims, Paris etc … au lieu d’adopter une vision plus globale !?).
Mais comme le dit si bien ce proverbe anglais : Every cloud has a silver lining!
Après la révolution de 1789 et les périodes riches en décès de la Terreur (1793) et de l’accession de Napoléon Bonaparte au pouvoir (1804), on ressent le besoin de réorganiser et de légaliser ces lieux si néfastes et incompris que sont les cimetières. Afin de ne pas manquer leur coup, les autorités organisent en 1800 un concours primé dont le but est de présenter la meilleure voie possible à adopter pour réformer le code du logement mortuaire. Parmi les nombreuses réponses fournies, une est particulièrement épinglée par l’auteur pour son originalité loufoque et ce, malgré la justification très sérieuse de son promoteur.
Ce projet émane en effet d’un professeur en mathématiques de Carpentras qui propose une vision particulière des futures sépultures qui, selon lui, pulluleront à l’aube de ce formidable XIX è siècle. Voici le développement de sa pensée, accompagné des commentaires de l’auteur[1] :
« En attendant les progrès à venir de la science en ce domaine [La mort, NDR] et pour éviter toute inhumation précipitée […] il faut conserver les corps morts par le froid. Dans chaque commune, « un grand globe ou aérostat suspendu au haut des airs portera le vaisseau sépulcral ». Le lieu de conservation des morts étant situé au dessus des nuages, là où il gèle en permanence, la fermentation des corps ne pourra se faire et la congélation permettra de conserver les défunts en léthargie jusqu’à ce que la science sache les tirer de cet état. L’aérostat sépulcral sera attaché au sol par des cordes tressées avec un fil de métal si bien qu’il servira aussi de paratonnerre. « Les morts serviront ainsi à conserver, pour ainsi dire, les vivants ». Il faut mettre tout à profit quand on le peut ! » . Au sol, à l’extérieur de la commune, il y aura une grande enceinte circulaire d’un diamètre largement supérieur au globe avec une sorte de terrasse pour les cérémonies funéraires et pour l’ancrage de l’aérostat. Le cimetière des airs aurait donc son double ou son ombre sur la terre qui s’appellerait « la grande enceinte ».
Même s’il est inutile de préciser que cette entreprise fantastique n’a pas été primée, on ne peut néanmoins que saluer l’imagination débordante de certaines personnes qui arrivent à nous faire sourire sur des sujets graves et à nous émouvoir devant l’anachronie de leurs espérances (cryogénisation power !)
Et puis, à quand des aérostats à mariage ?


[1] Madeleine Lassère, Villes et cimetières en France : De l’Ancien Régime à Nos Jours, Paris, L’Harmattan (Coll. « Chemins de la Mémoire »), 1997, pp. 99-100
 
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