La frustration de la page blanche

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« Au début du mois d’août , certains signes difficiles à décrire me firent croire que cette longue élaboration était enfin terminée et je décidai de passer à l’exécution.
Chose étrange , je n’y parvins pas. Tout ce que j’écrivais sonnait creux , ressemblait à une lettre morte. Vers la fin du mois , après maints essais lamentables , j’acquis la conviction que je faisais fausse route. »
Fernand Dumont – La région du Coeur


Vous est-il déjà arrivé un jour de vous retrouver devant pareille situation ? Le stylo à la main , une tasse de café (ou de cacao , ou bien de thé , que sais-je ?) pas très loin , une feuille blanche , l’envie d’écrire et puis … Et puis rien.

Il existe de ces paradoxes dans la vie qu’on ne peut pas expliquer et qui , alors qu’ils nous semblent uniques , relèvent pourtant de l’expérience commune. Cette difficulté de trouver les mots justes lors de l’acte d’écriture en est un bon exemple. En effet , tout le monde a été , au moins une fois dans sa vie , confronté à ce genre de situation où les idées bouillonnent mais où il ne ressort au final de la marmite qu’une vapeur d’indécision en lieu et place d’une bonne sauce épaisse de substantifique moelle. Dans ce cas-là , peut-on parler encore d’angoisse de la page blanche ? Je ne crois pas . Le terme « frustration » de la page blanche conviendrait mieux , il me semble , tant chacun sait à quel point il est énervant de ne pas pouvoir faire montre de ses capacités (quelles soient de rédaction ou qu’elles relèvent d’un tout autre domaine) au moment le plus propice. Souvent , on peut voir sous la voûte d’un ciel laiteux , une courbe d’encre bleue qui représenterait le commencement d’une mer prometteuse pointant à l’horizon. Seulement , parfois, il est impossible d’en dessiner les vagues , d’en créer les remous , impossible d’écrire une ligne pour la lancer dans les fonds troubles , impossible du bout de la plume métallique de ferrer un poisson qui pourrait nous aider à naviguer dans notre imagination . C’est dans ces moments-là qu’on se sent soudainement dans la peau d’un Darwin visitant des Galápagos littéraires en espérant pouvoir comprendre le mécanisme qui fait sortir de l’eau , la vie. Sauf que notre Charles à nous échoue lamentablement à se transformer en singe de papier dans le zoo des journaux.

Il y a comme un blocage qui nous empêche d’aller plus loin, de jouer à Dieu l’espace de 7 minutes , le temps de susciter avec quelques Verbes , le littéraire ou l’expression. D’autant plus qu’il est inutile de recourir à l’obsolète Créationnisme qui est frappé du même moratoire. Car quand le moment n’est pas propice , même avec la meilleure volonté du monde, quand le grain de folie qui fait se distinguer chaque style refuse de s’ extérioriser, il est inutile de forcer le trait. Alors, il faut généralement se résigner et passer à autre chose (cependant , en guise de lot de consolation , le monde d’aujourd’hui offre moult possibilités de délassement). Quant à la frustration accumulée qui vous aura fait renverser votre tasse de café/ cacao/ thé , pas d’inquiétude , elle disparaîtra bientôt : il suffit juste de s’arranger pour obtenir suffisamment de quoi faire pour penser à tout sauf à rédiger. L’esprit est un petit enfant capricieux : c’est quand qu’on ne s’occupe pas de lui qu’il prend la peine de se manifester. Et d’ouvrir les portes de milliers de mondes parallèles qu’il sera impossible de chroniquer.
 
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