Gustave Flaubert - Madame Bovary

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« Et maintenant, la question à 1.000.000 € ! » brâme le présentateur avec un enthousiasme dégoulinant de télégénisme. À ce cri de guerre, les applaudissements automatiques des spectacteurs vrombissent comme des feux d’artifice. C’est la fête ! C’est l’hystérie ! Ô Liesse ! La pression est à son comble ! Paroxysme du suspens ! L’audimat bat des records et le patron de la chaîne se frotte les mains en songeant au nombre de zéros de ses rentrées publicitaires. Entretemps, on vous a oublié.
Oui, vous. Qui êtes assis sur ce fauteuil depuis près d’une heure déjà, à répondre à des interrogations les plus farfelues les unes que les autres à la seule force de votre esprit. Vous remerciez d’ailleurs la nature de vous avoir doté de ce formidable organe qui vous a permis tant de fois d’échapper à des situations (intellectuellement) fort périlleuses et de devenir l’homme dégoulinant que vous êtes aujourd’hui. Car vous transpirez sous la chaleur impitoyable des spots. Vous sentez même. À un tel point que vous profiteriez de cet instant où un ange passe pour donner un discret petit coup de déodorant à vos aisselles. Mais vous n’osez pas : l’ange risque de tomber. C’est vrai ! Vous l’avez vu dans une publicité qui passait après « Des Racines et des Ailes ». Cependant, votre calvaire empire encore lorsque l’animateur commence à signifier à votre (in)signifiante personne l’intitulé de ce fameux point d’interrogation millionnaire :
« Dans Madame Bovary de Gustave Flaubert, comment se prénomme le père de l’héroïne ? »
Vos yeux s’agrandissent sous le choc de la révélation de votre ignorance. Quatre fois. Vous vous rendez compte avec effroi que vous êtes la parfaite illustration du bovarysme : vous voudriez être autre chose que vous … Une personne connaissant la réponse par exemple ?
Devant ce regard contrit, votre bourreau vous rappelle avec force grands cris qu’il vous reste vos trois jokers. Oui, mais … Vous ne les utiliserez pas. Vous n’avez pas d’amis. Le public ne vous semble qu’une masse de personnes envieuses qui vous égorgeraient bien là, maintenant, tout de suite pour prendre votre place (à cette pensée, votre estime pour Nagui descend vertigineusement). Quant aux ordinateurs, vous vous en méfiez comme de la peste depuis le jour où alors que vous naviguiez sur Meetic à la recherche du grand amour, Firefox vous a planté là, comme un ahuri, tout en prenant soin de vous demander un rapport au passage.
Calmez-vous. Vous avez lu Madame Bovary dans votre jeune temps de romaniste renégat. Quels souvenirs en avez-vous ?
Vous seriez tenté de répondre benoitement : « Pas grand-chose ». Puis petit à petit, des réminescences affluent Non pas celles que vos professeurs auraient voulu que vous reteniez : le réalisme, le deuil du romantisme, l’ennui d’Emma, le style de Flaubert… Tout ça vous est passé au-dessus de la tête ! Par contre, vous vous rappelez avoir adoré les étapes successives de la vie amoureuse de la protagoniste principale. Précisez votre pensée : vous vous êtes reconnu dans chacun de ses hommes, leurs caractères et les dilemmes qui en découlaient. Vous avez connu le bonheur niais de Charles Bovary, la timidité de Léon, l’attitude Carpe Diem de Rodolphe. Vous avez expérimenté la complaisance du premier, la dévalorisation du second et l’étiolement de la passion du troisième. Vous avez ressenti la peur de ces personnages : peur de la perte, peur d’être ridicule au moment d’avouer ses sentiments face à l’être aimé, peur de l’engagement. Vous avez compris que vous êtes un peu des trois (en un) , une sorte de formule amoureuse concentrée. En réalité, ce que vous avez aimé chez Flaubert et dans ce roman est hors de portée de toutes ces analyses thématiques et stylistiques qu’on présente comme des outils incontournables pour comprendre le « génie » de l’écrivain. Ce que vous avez aimé, c’est que ce dernier a su toucher votre subjectivité, vous émouvoir, vous transporter. Il a trouvé les mots exacts pour exprimer ce que vous pensiez toujours devoir rester indicible.
« Dans Madame Bovary de Gustave Flaubert, comment se prénomme le père de l’héroïne ? »
Alors qu’importe si vous avez oublié qu’il s’appelait Théodore. Qu’importe si vous venez de perdre 1.000.000 €. Il existe des œuvres avec lesquelles on entretient, pour des raisons qui nous appartiennent, des relations uniques. Et ces dernières n’ont pas de prix.

De l'importance de la musique ...

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« Les idées musicales ou sensibles, précisément parce qu’elles sont négativité
ou absence circonscrite, nous ne les possédons pas, elles nous possèdent." (Maurice Merleau-Ponty)

Cette chanson en est la preuve ...




William Boyd - Nat Tate

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Au début des années 2000, William Boyd décide de s’attaquer à l’écriture d’une biographie d’artiste.
Il n’aurait pu s’agir, en apparence, que d’une initiative banale , commune tant le passage au deuxième millénaire de notre ère a suscité un engouement international pour la commémoration, un nombre incalculable d’évènements et de personnages arrivant à un âge où il est bon de se souvenir d’eux. Ainsi, on s’attendait à voir la monographie de l’auteur anglais poindre en même temps que ses compagnons d’infortune nommés Kurt Cobain, la Deuxième Guerre Mondiale, Melle de Fontenay, Monroe et tant d’autres encore. Mais c’était sans compter sur le fait que Boyd a un certain honneur de la littérature: les effets de mode et l’utilisation d’un style mâtiné, débilité par les moules de la standardisation, ce n’est pas trop son dada. La rencontre fortuite, au détour d’une galerie, avec les tableaux survivants du peintre américain Nate Tate (1928-1960) sera déterminante pour la concrétisation de son projet: William Boyd tient en la personne d’un nom et de quelques tableaux, la substantifique moelle de son propos ! Halleluyah ! Il ne reste plus qu’à bleuir une petite centaine de pages et le tour sera joué ! Par ici la bonne sousoupe !
Seul bémol: Cet artiste est un parfait inconnu, que ce soit dans le monde artistique ou quotidien. Et bien vite, ce qui s’apparentait à un gentil parcours vita se transforme en véritable chemin du combattant : il s’agit de parcourir les registres nationaux, les archives, rencontrer les quelques amis survivants, dégoter quelques photographies jaunies par le temps, répertorier toute son œuvre picturale puis, à partir de ce chaos, recréer une vie ordonnée, logique et cohérente.
Après des mois d’un travail acharné, l’auteur anglais est fier de vous présenter la (courte) vie de Nate Tate, un peintre américain à l’oeuvre prolifique (dont il reste peu de choses).
La vie n’aime pas Nat Tate et Nat Tate ne possède pas un amour inconditionnel de la vie. Le ton est donné.
Orphelin dès l’âge de ses huit ans, le petit enfant est déjà un être tourmenté par l’identité d’un géniteur qu’il ne connaît pas et d’une mère partie trop tôt. Se collant tantôt l’étiquette d’enfant issu d’une procréation accidentelle tantôt l’espoir qu’un père tout droit sorti d’un roman des origines freudien vienne le tirer de ce mauvais pas, il a néanmoins la chance (ça lui arrive d’en avoir de temps en temps) d’être receuilli par les employeurs maternels, la riche famille Barkasian.
Sa psychologie tourmentée lui confère un caractère explosif, un subtil mélange de discrétion ironique et d’agressivité mal canalisée qui ne font pas bon ménage au sein des règles strictes édictées au bercail. D’autant plus que le petit Nat se révèle être un élève tout bonnement médiocre, la matière scolaire n’arrivant pas à capter son attention et lui procurant un profond ennui. Seuls le dessin et la peinture semblent recevoir les faveurs de sa bienveillance. Désireux que son fils adoptif ne devienne pas un chancre pour la société et résigné au fait que ce dernier ne sera jamais un intellectuel, Peter Barkasian décide alors de l’encourager moralement et financièrement à suivre la voie tumultueuse de l’ artiste.
A force de nombreuses heures de cours passées auprès de grands noms de l’art américain, notre Van Gogh en herbe acquiert une griffe, un coup de pinceau excentrique qui va lui permettre d’émerger de la masse grouillante des membres de l’Action Painting* et connaître un succès grandissant aux USA : n’ayant aucune volonté de représenter le monde tel qu’il est, les sentiments qu’il ressentait, rejetant toute forme de mysticisme religieux (du moins dans un premier temps), le peintre fait transparaître au travers de ses toiles son amour et son obsession pour un objet simple qu’il représente à l’infini, dans toutes les situations, dans toutes les positions… Une espèce de production artistique quasi-industrielle, ponctuée ça et là d’un rai d’originalité.
Nous sommes allés dans son atelier où je l’ai regardé à l’œuvre pendant une heure d’affilée. Il lampait du Jack Daniels à la bouteille [...] dans l’attente semblait-il d’un certain niveau d’ivresse, d’un moment précis d’art que déclencherait l’alcool.
On peut ainsi déterminer trois « étapes » dans son corpus: la série des Ponts (à l’époque où il aimait les ponts), la série des Immeubles Blancs (à l’époque où il avait une attirance particulière pour les immeubles blancs) et la série du Retour à Long Island (ou la nostalgie du lieu de naissance). Les deux premières comptaient plusieurs centaines de tableaux, la dernière n’aura le temps que d’accoucher d’un triptyque inachevé. Vous remarquerez sans doute que j’évoque son œuvre au passé : pourquoi donc, me direz-vous?
Comme Boyd le mentionne, il semblerait que les derniers mois de la vie de Nat Tate aient été un peu chaotiques avec des alternances de dépressions et d’euphories éthyliques. La faute sans doute à une vie menée à tombeau ouvert et fort dissolue (garantie 100% sex, drugs and alcohol) ainsi qu’à la rencontre tardive qu’il fit avec George Bracque, cette dernière lui faisant comprendre le fossé qualitatif qu’il y avait entre sa production et celle du maître français du cubisme.
Tous ces facteurs (et peut-être d’autres qui ne seront jamais connus) font qu’un beau jour, Nat Tate brûla avec un enthousiasme débordant toutes les œuvres signées de sa main qu’il avait pu récupérer auprès des galeries : ce qui explique qu’il ne reste aujourd’hui qu’une dizaine de toiles et le fameux triptyque, peint avec de la cendre, qui devait symboliser le retour de la flamme sacrée, la purification de ses péchés et le renouveau de son art. En vain.
Puis, sans que quiconque parmi ses proches ne comprenne pourquoi, il mit fin à ses jours en sautant d’un ferry. Mort toute somme symbolique : il a toujours cru être le fruit de la semence d’un marin. Venant de la mer, il est retourné à la mer. Amen.
Avec sa disparition, le succès qui fut le sien dans les nombreuses galeries américaines s’estompa rapidement et il n’y eût que ses amis fidèles pour entretenir une luciole de son souvenir,qui s’éteignit tout aussi vite.
C’est donc le portrait d’un artiste méconnu que nous dresse William Boyd. Un portrait tendre et attachant où on se surprend vite, à la lecture de l’ouvrage, à se lier d’amitié avec cet artiste un peu loufoque et à regretter que son œuvre expurgée ne soit pas plus conséquente (il est néanmoins à noter que des recherches approfondies sont en cours dans certaines de ces fameuses galeries, dans l’espoir de retrouver un quelconque tableau dans un coin de grenier poussiéreux). On peut également mentionner que certaines personnes, affirmant avoir connu Nat Tate, prétendent posséder de véritables toiles signées de la main du maître à leur nom (une expertise est toujours en cours pour prouver la véracité de leurs dires), car à coup sûr on se met à penser que Nat Tate aurait pu révolutionner l’Art Moderne même si on ne possède plus les preuves pour l’affirmer et même si lui-même ne semblait pas y croire….
Bon.
Arrêtez de chercher dans le dictionnaire.
Nat Tate, il n’ a jamais existé.
Si. Si.
Ce n’est qu’une blague délicieusement littéraire.
Comment ça c’est dégueulasse ? Comment ça vous êtres outrés ?
C’est le but, hein.
Oui oui.
En réalité, William Boyd a créé ce personnage de toutes pièces, avec l’aide de quelques amis. Bien vite, l’idée de donner naissance à un vrai « faux-peintre » s’impose au sein du collectif : les collaborateurs deviennent conjurés et la machination se met en marche.
Le problème permanent qu’a rencontré l’auteur durant toute la phase d’élaboration est celui de la crédibilité. Il s’agissait, dans un premier temps, de placer le protagoniste à une époque trouble, soit parce qu’elle est mal connue de l’Histoire, soit car elle est tellement féconde en évènements qu’il est impossible d’y faire un tri structuré et cohérent : ces deux alternatives présentant l’avantage de justifier pourquoi on ne découvre le héros que maintenant. En outre, il était impératif que Tate côtoie de célèbres personnages ayant réellement existé pour renforcer le réalisme. Dans cette optique, il semblait évident qu’on ne pouvait le placer ni dans une époque trop récente (la supercherie devenant un jeu d’enfant à démasquer), ni dans une époque trop lointaine (difficultés pour trouver des documents susceptibles de faire métamorphoser la fiction en réalité), le bouillonnement culturel des fifties américaines symbolise le syncrétisme parfait de ces deux contraintes.
Ensuite, il fallait faire en sorte que la vie de ce dernier n’excède pas la poignée de décades, car une vie trop longue aurait pu entraîner ou des ellipses difficiles à justifier ou une myriade d’évènements qui aurait pu entacher l’illusion de véracité du récit.
Enfin,une recherche de documents d’époque (photographies…) et la réalisation d’œuvres picturales originales devaient aider à amorcer le piège.
Qui marcha à merveille.
Dès sa première édition, le livre suscita un engouement sans précédent partout dans le monde. Ca et là, de nombreuses personnes affirmèrent avoir vécu, vu, soutenu Nat Tate. D’autres allèrent jusqu’à prétendre posséder de véritables tableaux du peintre. Cette animation soudaine fit beaucoup rire l’auteur et aurait pu encore perdurer davantage si un journaliste peu scrupuleux n’avait pas révélé le pot-aux-roses.
Si il est vrai que ce livre adopte les poncifs stylistiques de la biographie romancée, rendant la mixture indigeste à la lecture au premier abord, force est de constater que le travail, sans être original ni transcendant, est d’excellente facture tant par la qualité de l’imbroglio mis en place que de l’idée en elle-même. Il fallait oser le faire et Boyd l’a fait. Par cette œuvre, il s’inscrit dans la continuité des nombreux auteurs du XXe siècle et d’aujourd’hui, qui ont mis à mal la notion narratologique du pacte de lecture**. Ceci étant dit, il est à déplorer que les éditions actuelles s’obstinent à révéler la supercherie dès les premières pages du livre en plaçant la solution en avant-propos (quand ce n’est pas en quatrième de couverture) : pleurez, amateurs de tromperies, Nat Tate ne dupera plus personne !
On pourrait également se poser la question de la réalisation d’une telle démarche aujourd’hui;
Serait-il encore possible de duper tant de monde lorsque l’avènement de nouvelles technologies – telles qu’Internet – diminue les chances de falsification ?
Et vous ? Quelle vie et forme donneriez-vous à votre protagoniste si vous deviez effectuer un travail similaire ?
Le débat est ouvert.
W. BOYD, Nat Tate, éditions du Seuil, collection « Points », Paris, 2000.
ISBN: 2.02.050879.6
****
*L’Action Painting est un mouvement artistique qui privilégie l’acte physique de peindre, toutes suggestions figuratives étant dès lors écartées. (source: Wikipédia)
** Il s’agit d’un pacte implicite tissé entre l’auteur et le lecteur lorsque celui-ci entame une oeuvre: l’auteur s’engage à respecter les caractéristiques majeures du genre qu’il illustre tandis que le lecteur lui, accepte évidemment les répétitions, les poncifs que l’utilisation d’un tel genre implique.
Chronique rédigée et publiée pour le site Communelangue le 19/08/2008

Samuel Beckett - Tous ceux qui tombent (pièce radiophonique)

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’est l’histoire d’une petite vieille comme les autres. Une petite vieille que le poids des ans a fait courber peu à peu. Une petite chose que chaque heure passée en vie, a rendu plus aigrie encore. Une vieille carne à peine ressuscitée d’un mal qui l’a clouée au lit. Et qui doit, en plus, aller chercher Dan Rooney aujourd’hui.
Dan, c’est le mari aveugle de cette dame âgée qui a vu beaucoup d’étés et dont le cœur s’est corrompu dans l’humus des feuilles d’automne.
Mme Rooney s’apprête donc à entamer son calvaire pour aller retrouver son mari à la gare. Cela l’embête, elle n’aime pas sortir. Mais si elle ne le fait pas, qui donc l’accomplira pour elle ? Personne.
« Sortir, de nos jours, c’est le suicide assuré. Mais rester chez soi, Monsieur Tyler, rester chez soi, qu’est-ce que c’est ? C’est s’éteindre à petit feu. »
Mme Rooney sort alors et va entamer son périple d’un pas trainant, la mesure caractéristique du pas d’un vieux. À cette foulée, elle aura juste le temps d’être à l’heure et pourtant ce ne sera pas le cas. En effet, elle a oublié de prendre en compte dans ses calculs sa vie sociale. L’avantage d’avoir déjà longtemps vécu, c’est qu’on connaît beaucoup de monde. Trop tendra à se dire Mme Rooney au fil de la pièce. C’est vrai qu’à force de tomber successivement sur Mr Tyler le facteur, Mr Slocum, le directeur des Courses, Melle Fitt, la bigote qui ne remarque jamais rien parce qu’elle marche avec le Créateur ou encore Mr Barrell, le chef de gare, le retard ne peut que s’accumuler. Pourtant tous ces personnages tendent à vouloir aider la pauvre personne âgée : le facteur veut faire la route avec elle, Mr Slocum l’invite à pénétrer dans sa voiture, Melle Fitt est réquisitionnée pour aider Mme Rooney à gravir les escaliers qui mènent à la gare… Sous le couvert d’une non-volonté d’assistance, cette dernière abuse des largesses et use ses samaritains au point de les dégoûter de leur geste :
« Rendre service aux gens, ah, parlons-en ! »
Tout ça pour constater à midi trente-six , une fois arrivée sur le quai, que le rapide de midi trente n’est pas encore en gare ! Où se trouve Dan ? Lui est-il arrivé quelque chose de grave ? On se rend compte que même si elle passe son temps à râler dessus, Mme Rooney l’aime bien, son Dan !
Lorsqu’après d’autres péripéties, le couple finit par se retrouver et reprendre la route dans la communion de leurs pas traînants, les chamailles de couples s’allument derechef : il ne s’agirait pas de tomber dans l’escalier ! Il ne faudrait pas marcher et parler en même temps sans quoi Dan perdrait son souffle et pourrait vaciller ! Il ne faudrait pas oublier non plus de donner un sou supplémentaire au petit Jerry qui a couru après les deux vieilles personnes pour donner à Mr Rooney quelque chose qu’il avait laissé tomber ! Enfin, si ce dernier, comme il le plait à le ponctuer, n’est pas dans la tombe !
Mais toutes ces tergiversations n’expliquent pas à Mme Rooney pourquoi le train a eu du retard. Elle questionne, elle veut savoir. Mr Rooney se montre évasif, raconte en éludant la fin, ne veut pas en dire davantage… C’est finalement le petit Jerry, qui au moment où il remet l’objet qu’avait laissé tomber Dan, annonce à la vieille femme aigrie que durant le voyage, un petit enfant est tombé d’un des wagons, avant d’être broyé par les terribles roues de fer.
Au fil de cette pièce radiophonique, Samuel Beckett s’amuse à nous dresser le portrait d’une vieillesse certes stéréotypée mais qui a encore cours à notre époque. Composé d’un côté dune vieille femme aigrie, faussement aguicheuse et passé maîtresse dans l’art d’enquiquiner les gens et de l’autre d’un vieillard aveugle à qui la vie n’apporte plus rien, le couple Rooney symbolise ces caractéristiques de respect, d’agacement et de générosité dont chacun a, à un moment ou un autre, affublé ses aïeux. Pourtant, ce loci communs, exploité sous le prisme des différentes manières de tomber, ne doit cependant pas jeter l’opprobre sur les héros qu’il met en scène : ceux-ci se révèlent au final terriblement attachants et leurs disputes horriblement drôles. Comme tous les petits vieux, en somme…

Agota Kristof - L'Analphabète : récit autobiographique

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La couverture de ce livre est un mensonge.
Lorsque les yeux du lecteur abordent la mention « récit autobiographique » placardée en sous-titre de l’Analphabète, ce dernier pensera avoir en mains l’histoire complète de la vie d’une écrivaine francophone par elle-même. Dans l’absolu, ce n’est pas faux. Pourtant, si le récit a pour thème principal Agota Kristof, il ne s’agit pas d’une histoire d’existence au sens premier du terme : l’ouvrage ne reprend, en effet, que de courtes chroniques rédigées par l’auteur, peu après le succès de son premier roman Le Grand Cahier (1986).
On pourra peut-être déplorer l’absence de volonté de l’écrivaine de rédiger, de plein gré, les péripéties de son passé. Et se demander par la même occasion si les fragments d’instantanés rassemblés dans ce recueil – aujourd’hui désavoué par la romancière elle-même –ont un quelconque intérêt outre celui purement commercial ?
Étonnamment, la réponse est oui.
Car au travers des onze petits chapitres qui nous sont présentés, on découvre l’essence d’Agota Kristof : une personne encore profondément meurtrie par l’exil soudain de sa patrie natale, il y a plus de 50 ans, son combat pour lutter contre le désespoir de la routine et les injustices conjugales, ses actions entreprises pour ne pas tomber dans le maelström du « No Future » qui guette tous les immigrés.
Cependant, réduire l’Analphabète à sa simple composante biographique intrinsèque serait une erreur. Car celui-ci se présente surtout le récit de l’apprentissage d’une langue, le français. Ainsi, on passe au fil des pages de la création des premiers poèmes en hongrois à la narration de son adaptation dans cette société occidentale aux antipodes de la sienne qu’est la Suisse , son seul refuge pour échapper à l’ouragan répressif communiste. Et surtout , en filigrane , à la bataille menée par un être qui bascule du jour au lendemain de la poésie à l’analphabétisme : des douloureux premiers gestes qui président à l’apprentissage du français à la consécration littéraire qui s’ensuivra.
Je sais que je n’écrirai jamais le français comme l’écrivent les écrivains français de naissance mais je l’écrirai comme je le peux , du mieux que je peux. Cette langue, je ne l’ai pas choisie. Elle m’a été imposée […] Écrire en français, j’y suis obligée. C’est un défi. Le défi d’une analphabète.
Rempli d’anecdotes drôles mais aussi profondément humaines, L’Analphabète réussit le tour de force de nous dévoiler l’essentiel de ce qu’il faut connaître sur son auteur en moins de 55 pages. Sublimé par l’écriture simpliste mais efficace, ce texte prend le parti de satisfaire les simples curieux mais également de donner à ceux qui les recherchent, quelques clés de voûte capitales de l’œuvre d’Agota Kristof.
Chronique rédigée pour le site Communelangue et publiée le 28/01/2010

Erik Orsenna - La Grammaire est une chanson douce

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- On fait un pari ? reprit Monsieur Henri. Si dans une semaine ,vous n’aimez pas la grammaire, je casse ma guitare.

Bienvenue sur l'île de la grammaire !
Un rayon de soleil perçait à travers les lourdes tentures de velours. Chaleur. Il faisait étouffant dans cette pièce. Invivable. Pourtant il y avait une présence à l’intérieur. Un vieil homme aux cheveux blancs. Comme la page qui se tenait devant les yeux. Affublé d’un costume vert qui s’étiolait de plus en plus au fil des ans et d’une épée de parade, il s’apprêtait à exorciser à l’aide d’un crucifix de papier un démon dont les réticences à la régularité mettait en danger sa confrérie. Pour arrêter l’hémorragie de crédibilité dont elle était la victime. Oui, aujourd’hui, il allait rendre accessible la grammaire au plus grande nombre. Créer une histoire qui convertirait n’importe quel lecteur à cet art séculaire. Pour le bien de tous.
Il aurait pourtant dû savoir que son entreprise ne tournerait pas aussi bien qu’il aurait pu le souhaiter. Quand un adulte entame un projet sous l’égide du « pour le bien de », cela se termine souvent en catastrophe. Certes,dans ce cas précis, son initiative ne se révèlera pas un échec total car il y a tout de même quelques bonnes idées dedans. Quelques traits de génie, quelques vagues d’originalité. Comme les grands écrivains. Mais en moins bien.
Sa plume commença à semer de mots le champs de son histoire. Ce seront ses héros, les mots. Ils auront comme tâche de faire rentrer le tapis grammatical dans le moule du conte allégorique: rendre l’abstraction vivante et animée facilite toujours la compréhension. Mais sans y adjoindre la poussière qui moisit dessous depuis des siècles. Il est inutile de gaver l’esprit des honnêtes gens de problèmes sans solution.
Les mots sont souvent l’image de leur créateur. Ils vont susciter une île perdue au milieu de l’azur, dans un endroit où eux seuls auront le droit d’évoluer après avoir provoqué la scission avec leurs anciens maîtres, les êtres humains. Les raisons de cette séparation sont multiples : olfactives (être un mot et résider dans une bouche à l’haleine constamment fétide n’est pas très agréable), sanitaires (avoir des caries comme voisines n’est pas ce qu’on pourrait leur souhaiter de mieux), phonétiques (lassitude des mots d’être constamment démembrés, abrégés, écorchés, mutilés, décapités…) ou encore éthiques (exaspération d’être continuellement appelés à toute heure du jour et de la nuit sans aucun respect !). Autant de prétextes qui ont poussé les mots à sortir de la bouche de l’Homme pour prendre leur indépendance sur ce bout de terre perdu en pleine mer.
Seules quelques personnes auront le droit de circuler dans ce microcosme lettré.
Seulement comment justifier la découverte de cette île si spéciale ? Le vieil homme réfléchit et après avoir écarté quelques pensées farfelues, décida de provoquer le naufrage d’un navire et d’y envoyer s’échouer deux jeunes enfants. Les enfants, ça passe toujours bien dans les contes, ça touche leurs homologues qui s’y identifient à eux mais également les adultes qui sont, quoiqu’on en dise, restés de grands enfants. Évidemment le cataclysme fera en sorte que les deux protagonistes perdront la parole et ne la recouvreront qu’en visitant l’île : l’un par la musique, l’autre par la grammaire. Deux domaines au fonctionnement identique.
Puis ayant eu l’occasion durant sa longue existence de vivre et de comprendre les rouages profonds de la société, il décide d’appliquer son principe pour élaborer la ville des mots : on y trouvera des marchands d’adjectifs, des créateurs de mots,un hôpital où les vocables trop utilisés peuvent retrouver une seconde jeunesse, des noms à la recherche de la relation adéquate, des adverbes en séducteurs invariables, des pronoms assassins de substantifs, des articles réduits au rôle d’hérauts nominaux … Tout ce beau monde se montre extrêmement volatile à l’air libre et ô combien docile lorsqu’on les couche sur papier. Leur union en phrase se faisant dans l’usine à phrases, selon un processus progressif d’écriture régi par les lois de la syntaxe, de la conjugaison et de la logique.
L’écrivain regarda ses idées griffonnées sur sa page et cela lui sembla bon. Pour affermir la cohérence de son système, il assimila le mariage à l’accord, entreprit d’ajouter un long passage dénonçant les dérives d’une analyse grammaticale trop poussée, qui aurait pour effet de tuer lentement la langue française, puis, conte oblige, injecta un peu de merveilleux en transformant une partie de l’usine à phrases en refuge post mortem pour les grands écrivains. Puis il rédigea l’entièreté de sa matière en un roman, y ajouta quelques mots compliqués (ça fait toujours bien), puis relut son travail et il vit que cela était bon.
Il rangea son épreuve dans sa sacoche , remit ses habits de ville et quitta le bâtiment à coupole, le sourire aux lèvres. Il venait de créer le premier conte grammatical.
Voilà comment on pourrait résumer la naissance de cette chanson douce. Pourtant si à l’oreille, elle peut paraître plaisante, elle n’est néanmoins pas exempte de fausses notes. Si la réduction du système grammatical du français à son acception la plus commune est compréhensible de par l’utilisation de la forme du conte, on restera néanmoins perplexe devant les nombreux jugements de valeur portés par l’auteur sur son propre univers (les articles ont un rôle assez inutile ? Les pronoms, assassins de noms ?*).
On se posera également la question de la pertinence de présenter la création de la phrase comme un processus mécanique calqué sur l’ordre syntaxique phrastique de base de la langue de Voltaire. Cette simplification semble extrême en ce sens qu’elle ne tient pas compte de la conscience que chaque auteur projette dans chacun de ses écrits. Conscience (ou pensée, c’est selon) qui est à la base même de l’acte de rédaction. Enfin, on pourra également épingler un mélange de ton – propos pas toujours adéquat (en effet,par exemple, comment justifier la présence d’un mot tel que « congénital » dans une explication volontairement tournée dans un style enfantin ?) qui, s’il ne nuit pas à la compréhension de l’histoire, pourra néanmoins fragiliser le confort de lecture d’un public plus jeune.
Au final malgré ces imperfections, Orsenna nous présente une démarche assez originale : voir la grammaire avec des yeux d’enfant. Si le livre est pétri de quelques pointes d’humour et de parodies acidulées de célèbres règles qui ont bercé / terrorisé nos débuts de jeunes écoliers, s’il présente un intérêt pédagogique évident pour une première prise de contact avec une matière que beaucoup trouvent rébarbative, il est néanmoins à déplorer que tant qu’à plonger dans la surenchère de fantastique, il n’ait pas été plus loin en balayant avec un spectre plus large d’autres facettes de la grammaire qu’il passe sous silence ici. En tant que (grand) écrivain de l’Académie Française, Orsenna construit ses phrases pour explorer une vérité, qu’il décide de nous offrir au travers de cet ouvrage.
Mais avec de nombreuses omissions.
[ORSENNA Erik, la grammaire est une chanson douce, Paris, Stock, 2001, 150 p.]
* Après il se peut que cela ait été fait exprès et que je sois tombé inconsciemment dans l’écueil de la critique facile sans aucune construction . Mais bon, étant normativement vacciné et n’ayant jamais eu aucun plaisir à jongler avec les quilles grammaticales, il est tout à fait plausible que ma chronique ne rende pas hommage à l’œuvre à sa juste valeur. Qu’à cela ne tienne. Prenez une boule , strikez et recommençons.

Chronique publiée sur le site Communelangue le 29/06/2009

Primo Levi - Si c'est un homme

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« Les personnages de ce récit ne sont pas des hommes. Leur humanité est morte , ou eux-mêmes l’ont ensevelie sous l’offense subie ou infligée à autrui. Les SS féroces et stupides, les Kapos, les politiques, les criminels, les prominents grands et petits et jusqu’aux Häftlinge, masse asservie indifférenciée, tous les échelons de la hiérarchie dénaturée instaurée par les Allemands sont paradoxalement unis par une même désolation intérieure. »
Ce petit passage, fruit d’une gestation de deux dizaines de mois de (sur)vie à Auschwitz, est né de la plume de Primo Levi, un chimiste italien dont le seul grief était d’avoir une origine juive. Une fois son livre Si c’est un homme refermé, une fois qu’on a terminé le parcours de ce fragment d’existence en sa compagnie, on se rend vite à quel point ces quelques lignes concentrent à elles seules toute l’horreur des lieux mais surtout le dilemme de chacun de ses occupants : accepter de s’abâtardir ou bien mourir.
Dans ce camp où les seules choses qui poussent sont les fils barbelés et où la seule lumière qui abonde en dehors du soleil provient de flammes, rester un homme n’est plus la condition sine qua non pour évoluer en société, c’est devenu un arrêt de mort. En passant le portique d’entrée, l’écrivain comprend qu’il a abandonné son manteau d’humanité civilisée sur un paillasson de flocons de neige.
Tout entier, l’auteur va être pris dans l’engrenage terrible du système de « destruction de l’homme » élaboré par les Nazis. Coupé de son passé (on lui prend ses effets personnels et ses papiers d’identité dès son arrivée), vêtu de haillons qui ont jadis servis de linceuls à d’autres personnes, aspergé par l’eau capricieuse de douches insalubres et rendu méconnaissable par de cruels coups de rasoirs, le chimiste va également perdre son prénom et son nom : désormais, les lettres ont été remplacées par des numéros tatoués sur sa peau symbolisant la réduction de son être en une quelconque suite chiffrée qui ressemble fortement au code d’un coffre-fort nommé enfer.
« Häftling : j’ai appris que je suis un Häftling . Mon nom est 174 517 ; nous avons été baptisés et aussi longtemps que nous vivrons nous porterons cette marque tatouée sur le bras gauche. »
Au rythme du sang clapotant dans des souliers de bois, Primo Levi accomplit les besognes les plus ingrates, se fatigue petit à petit puis de plus en plus au fur et à mesure que les carences apparaissent. Dans cet endroit ténébreux où le froid et l’épuisement fauchent ses semblables au fil des sélections, son seul phare est une ration de pain, une gamelle de soupe et quelques amis.
Car dans la visite guidée qu’il nous fait du quotidien d’Auswitchtz, on ne peut s’empêcher de déceler néanmoins une humanité. Pour la trouver, il suffit simplement de ne pas prendre le terme dans son acception moderne mais bien de se tourner vers ses racines , vers ses stéréotypes, vers le primitif. La vie en concentration au-delà des conditions infernales de travail, au-delà de l’harassement, des privations, des humiliations fréquentes est brossée avant tout comme étant l’histoire d’une communauté dont la création repose sur un et un seul leitmotiv : survivre. Pour atteindre cet objectif, toute une économie se met en place : cela va de l’artisan qui fabrique des cuillers avec un bout de métal aux prisonniers qui transforment le produit pour lui faire acquérir une valeur marchande plus conséquente, en passant par ceux qui le vendent en troc pour obtenir le maximum de la monnaie du camp : les rations de pain. Avec toutes les dérives que cela suscite pour pouvoir obtenir via les échanges de quoi combler son manque alimentaire : ainsi, les faits de vol sont légions et la moindre inattention est immédiatement sanctionnée d’un changement de propriétaire. Pourtant à côté de ces petits délits, on retrouve aussi une franche camaraderie entre tous ces hommes embarqués dans la même galère et qui communiquent entre eux avec des babils dignes de la Tour de Babel.
Parallèlement à cette alternance de scènes horribles et affreusement journalières, le déroulement du récit est pris en charge par le moteur de l’Histoire qui enraie progressivement le processus de bestialité au son de l’arrivée des Russes. Ce même médium qui met le camp en débandade et entraîne des milliers de captifs dans une ultime marche forcée dans laquelle beaucoup laisseront corps et biens. Heureusement pour la mémoire, Levi ne participa pas à cette traversée, cloué sur un des lits de l’infirmerie par une forte fièvre. Commence alors pour l’auteur et ses compagnons malades, une lutte pour continuer à vivre en attendant l’Armée Rouge . Dans le bloc où ils ont été isolés, ils arrivent , malgré la promiscuité et la peur constante d’être touchés par un bombardement , à s’organiser pour atteindre cet objectif en se nourrissant d’aliments congelés abandonnés ça et là dans le camp et en tentant d’améliorer leur confort par quelques combines de système D (création d’un chauffage avec un vieux poêle usagé, construction d’un circuit électrique avec une batterie de camion…). Et comme dans tous les récits de ce type, ce n’est que quand le manque se fera cruellement sentir que la délivrance apparaîtra aux portes d’Auschwitz.
Si c’est un homme est souvent considéré comme l’un des tous premiers témoignages littéraires sur l’enfer des camps de concentration. À ce titre, on serait vite tenté aujourd’hui de préjuger son contenu, de le classer dans la veine de tous ces témoignages guerriers qui ont fleuri ces dernières années. Ce serait néanmoins prendre un raccourci trop facile. Oui, bien sûr que le livre n’est certainement une histoire à l’eau de rose, oui, bien sûr que les faits narrés par le chimiste sont cruels, insoutenables encore plus lorsqu’on constate avec quelle « objectivité », avec quel calme il nous les raconte. Peut-on seulement blâmer la propension de Primo Levi à banaliser certains actes abjects lorsque l’on sait qu’il a côtoyé les facettes humaines les plus noires pendant presque deux longues années ? Quelle que soit la réponse que l’on devrait apporter à cette question, il ne faudrait cependant pas conclure qu’il ait placé son récit à l’aune du jais. Si on pouvait se permettre seulement de la résumer, on pourrait affirmer que les péripéties de cette humanité au conditionnel se résument à une page : d’une part ,maculée de lignes ténébreuses qui contiennent l’essence de la cruauté nazie mais également d’autre part, entrecoupée de blancs qui symbolisent autant de rayons d’espoir et de joie qui ont scintillé dans cet univers opaque.
« Peut-être ai-je trouvé un soutien dans mon intérêt jamais démenti pour l’âme humaine, et dans la volonté non seulement de survivre […] mais de survivre dans le but précis de raconter des choses auxquelles nous avions assisté et que nous avions subies. Enfin, ce qui a peut-être également joué, c’est la volonté que j’ai tenacement conservée, même aux heures les plus sombres, de toujours voir, en mes camarades et en moi-même, des hommes et non des choses, et d’éviter ainsi cette humiliation, cette démoralisation totales qui pour beaucoup aboutissaient au naufrage spirituel. »
Par une ironie cruelle du sort, on peut constater que c’est sa volonté et son travail quotidien pour rester humain qui l’a rendu libre. Sans pour autant empêcher le navire de son existence de couler, un jour de 1987.
Chronique publiée sur le site Communelangue le 19-12-2009

Giorgio Bassani - Le Jardin des Finzi-Contini

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Le Jardin des Finzi-Contini est un roman autobiographique de l’écrivain italien d’origine juive Giorgio Bassani, publié en 1962. Considérée par beaucoup comme la pièce la plus aboutie de son cycle du Roman de Ferrare, cette œuvre se présente comme un hommage à Micòl Finzi-Contini, un amour de jeunesse de l’auteur, qui n’a malheureusement jamais abouti.
Cette dernière est la fille d’Ermanno Finzi-Contini, un scientifique calme et lunatique, patriarche de la famille juive la plus riche de Ferrare, vivant la plupart du temps retranchée dans son immense propriété baptisée Magna Domus.
La trame du Jardin des Finzi-Contini peut être divisée en 3 parties, chacune d’entre-elles s’accompagnant d’une ellipse temporelle plus au moins longue et marquant une étape supplémentaire dans les états d’âme des deux personnages majeurs du récit.
Au moment où s’ouvre la première qui met en place le cadre et les artisans des péripéties à venir, Giorgio Bassani est un jeune étudiant originaire d’une famille juive aisée, passionné de littérature et de tennis, qui s’apprête à passer ses ultimes examens en vue d’obtenir le diplôme qui lui ouvrira les portes de la Faculté de Lettres de Bologne. C’est le jour de l’annonce des résultats de ceux-ci, lors d’un de ces seuls moments où les enfants Finzi-Contini se mêlent à la vie publique, qu’il rencontre et fait plus ample connaissance avec Micòl. Après une courte escapade, les deux protagonistes principaux sont finalement rattrapés par leurs devoirs respectifs. Mais un lien – aussi ténu soit-il – s’est tissé entre-eux, lien qui va constituer le fil conducteur du récit.
La deuxième partie débute lorsqu’ils se revoient 10 ans plus tard et constatent que les choses ont bien changé : des lois raciales discriminant les Juifs ont été mises en place en Italie : leurs conséquences immédiates sont l’exclusion du club de tennis local de toute la jeunesse juive de Ferrare.
Heureusement à l’instigation de Micòl, celle-ci trouve néanmoins refuge dans le jardin des Finzi-Contini où se joueront désormais des parties endiablées sur leur court privé. C’est l’occasion pour le narrateur et la fille Finzi-Contini de se fréquenter de plus en plus et le mano à mano entre les deux jeunes adultes de commencer. Car si Bassani se rend bien vite compte des sentiments puissants qu’il conçoit pour elle, Micól adopte vis-à-vis de celui-ci une attitude ambigüe : elle semble chaque jour de plus en plus proche de l’auteur mais en même temps tellement inaccessible lorsque les choses semblent un peu s’accélérer. Elle est à la fois une promesse et une prémisse de la désillusion amoureuse qui surviendra bientôt pour l’écrivain. Et ce dernier, aveuglé par sa passion, se mue bien vite en un Tantale soumis, passant constamment du paradis à l’enfer, au gré de la condescendance du bourreau de son cœur.
Paradoxalement à cette fin’amor tumultueuse, il arrive néanmoins à se faire accepter dans le cercle très restreint des amis intimes de cette puissante famille dont la maisonnée va s’avérer être le moteur d’une triple initiation pour lui : d’une part amoureuse, puisque la conquête de Micòl reste toujours son obsession et qu’il compte bien utiliser son nouveau statut pour parvenir à ses fins, d’autre part intellectuelle, puisque c’est grâce au savoir du professeur Ermanno et aux ressources de son immense bibliothèque privée qu’il arrive à étayer et conclure la thèse sur laquelle il travaille et ainsi espérer pouvoir construire son avenir mais également humaine, puisqu’au travers des conversations politico-philosophiques qu’il a avec Alberto (le frère de Micòl) et son ami communiste Malnate, il s’affirme en tant qu’homme avec un caractère, une sensibilité et des convictions qu’il défend bec et ongle.
Seule la première de ces trois voies le mènera vers un échec cuisant puisque Micòl, après lui avoir prodigué espoir sur espoir, finit par repousser ses avances, l’abandonnant pantois et dans l’incompréhension la plus totale.
L’histoire aurait pu en rester là, mais l’auteur tient à en raconter la suite en mettant désormais l’accent sur le mal-être qui l’habite à cet instant de l’intrigue. On assiste ici à la deuxième rupture profonde dans la trame de l’ouvrage et à l’ouverture de la troisième et dernière partie du roman : malgré sa tentative avortée, le narrateur-auteur souhaite néanmoins conserver l’amitié de celle qui est devenu un pilier de sa vie malgré l’amour qu’il éprouve encore pour elle. Commence alors pour lui le long chemin de croix de l’amoureux qui n’obtiendra jamais son dû : bien que sous le couvert du manteau de l’amitié, il ne parvient pas à se résigner à la différence du jugement d’acceptabilité qui le sépare de l’objet de ses rêves et toutes leurs entrevues se résument constamment en des assauts désespérés de l’écrivain contre une forteresse qui lui résistera toujours. Au grand dam de Micòl qui ne sait comment lui dire qu’il ne se passera jamais rien. Finalement, il se résout à essayer d’oublier tout en prenant rapidement conscience qu’en adoptant cette attitude, il ne fait que se mentir à lui-même :
Quatre-vingt-dix-neuf fois sur cent, les braises continuent de couver sous la cendre : avec le magnifique résultat que, ensuite, quand deux êtres se revoient, se parler tranquillement, en bons amis, est devenu très difficile, à peu près impossible.
Cette dernière subdivision est de loin la plus intéressante car elle fait montre du splendide travail effectué par Giorgio Bassani autour de ce lieu commun de la littérature qu’est le psychisme de l’amoureux jamais récompensé de ses efforts. Sans tomber dans la caricature, il nous délivre une copie terriblement réaliste des sentiments qui animent ces personnes, de cette volonté inextinguible de continuer, d’abattre toutes les cloisons, toutes les différences, tous les obstacles pour obtenir ce que leur cœur désire de plus cher. Il n’est nullement question ici de jalousie, de possession ou de conquête éphémère. Mais juste d’un amour pur qui ne peut s’exprimer car la personne à qui il s’adresse ne veut pas l’entendre.
L’auteur utilisera l’onguent du temps pour calmer sa douleur. Et finalement oublier. Et lorsqu’il sera jeté en prison pour ses convictions anti-fascistes, il ne verra pas Micòl et toute la dynastie des Finzi-Contini monter dans le train à destination des derniers moments de leur vie, voyage dont seule la geôle l’empêchera d’en goûter les charmes macabres.
Le Jardin des Finzi-Contini fait assurément partie cette catégorie de livres dont on ne ressort pas indemne, qui nous font changer, même si c’est de manière infime. À travers cette part d’existence qu’il nous transmet, Bassani porte un jugement sans concession sur lui-même, sur la société du temps et sur la conscience humaine. Le génie de sa plume résidant dans les entrelacements complexes de ces trois strates qui sont à la fois unies et séparables. Si personnellement, j’ai été nettement plus sensible à la partie psychologique qui suit le refus de Micól, d’autres personnes apprécieront peut-être plus l’aspect historique souvent mis en évidence ou se focaliseront uniquement sur l’évolution de l’intrigue amoureuse sans se préoccuper du reste. Les lectures admises pour ce livre sont plurielles et quel que soit le chemin choisi, le récit fait mouche.
Voilà un livre dont la gratification de classique, dans l’acception méliorative (controversée) entendue par la plupart des gens aujourd’hui, n’est pas usurpée. Et pour une fois qu’elle est méritée, pourquoi se priver d’y plonger ?
Chronique publiée sur le site Communelangue , le 19-12-2009

Michel Houellebecq - Les Particules élémentaires

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Ce livre est pour le moins un roman curieux. Étrange. Un peu comme son auteur d’ailleurs, personnage à la fois un peu mystérieux et provocateur dont on rattache l’œuvre à une étiquette d’« avant-garde » remise au goût du jour. Un peu comme le propos de ses Particules élémentaires (1998) que l’on pourrait résumer à l’histoire chassée-croisée d’un obsédé sexuel raté et d’un biologiste moléculaire asexué à l’existence monotone, reliés entre-eux par le titre de demi-frères. Mais ce serait injustement réduire l’ouvrage à peau de chagrin. Livre ouvertement élitiste, il est plus que cela, dans le sens positif et négatif du terme.
Les premiers paragraphes amorcent le personnage Michel Djerzinski, brillant chercheur en biologie moléculaire de Paris. Depuis son enfance douloureuse — il est élevé par sa grand-mère après avoir été abandonné par son père puis sa mère –, le petit Michel s’est toujours intéressé de très près à tout ce qui touchait à la science, préférant de loin la compagnie de ses expériences et de ses volumineux traités à celle des hommes. Timide, très réservé, son caractère est froid, impassible. Hormis son travail, rien ne semble avoir grâce à ses yeux. Rien ne semble éveiller son attention. Même pas les femmes qui ne suscitent absolument rien en lui, même pas la douce et jolie Annabelle qui est conquise par son côté mystérieux. Et surtout pas le désir sexuel, qu’il dénigre, à propos duquel il affiche manque flagrant de considération car pour lui, à la frontière de l’inutile. Le narrateur souligne d’ailleurs d’emblée ce caractère asexué, fondateur du personnage : « Sa bite lui servait à pisser et c’est tout. »
Michel trouve l’humanité égoïste, corrompue, faible. Et il veut changer cela. Le but de ses recherches est de décoder entièrement le mystère de l’ADN pour pouvoir ensuite présider et réguler les différents échanges qui interviennent lors du processus de procréation. Afin de mettre sur pied une race d’homme parfaite, immortelle et si possible, asexuée. C’est ce seul projet qui donne sens à son existence, le reste lui importe peu. Sa vie, hors de ses activités scientifiques, s’apparente à une marche à travers de longs couloirs vides où règne la solitude et la monotonie.
La seule personne avec qui il s’oblige à avoir des échanges, est son demi-frère, Bruno. Et encore, plus par respect des liens du sang que par véritable envie.
Bruno a une mère commune avec Michel. Lui aussi a été élevé par sa grand-mère paternelle après que ses parents n’eurent plus envie de s’occuper de lui. Placé dans un internat lorsqu’il fut temps pour lui d’aller à l’école, ses rondeurs prononcées l’amenèrent vite à devenir le souffre-douleur de son dortoir. De là, il développa sans doute un besoin d’affection grandissant puis plus tard de sexe. Entre frustrations et occasions manquées, il ne réussira jamais à le combler. Son second centre d’intérêt, derrière les fellations et l’onanisme, c’est la littérature. Bruno va étudier et devenir professeur de français. Puis se marier et avoir un fils, choses dont il ne tirera aucun bonheur. Et surtout aucune satisfaction sexuelle.
Les protagonistes principaux de l’histoire sont donc deux frères que tout oppose. Même sur ce thème principal de la trame qu’est le sexe. Conjugué en inutilité par l’un et en raison de vivre par l’autre.
Clap de fin sur la première partie du livre.
La deuxième nous fait retrouver cette étrange fratrie à l’âge de quarante ans. On se focalise d’abord sur un Bruno aigri, vieillissant, mais toujours aussi libidineux. Constamment en quête d’un plaisir sexuel qu’il n’arrive à atteindre que par la voie de la masturbation, il peste. Son regard, son désir ne sont plus attirés que par des femmes beaucoup plus jeunes que lui : celles de sa génération lui paraissent trop flétries par le temps et les excès pour lui arracher un émoi. Il espère chasser le chat noir de ses frustrations en se rendant au Lieu Du Changement, un camping où survit l’esprit hippie-Woodstock des années ’60-’70 et où l’hédonisme est roi. À bien des égards, la recherche de vagins accueillants de Bruno dans ce lieu insolite le font s’apparenter aux actions du nain Ragotin dans le Roman Comique de Scarron : chacune de ses entreprises est couronnée d’un cuisant échec, chacune de ses vengeances de revers plus importants. Tourné en ridicule par une série de situations burlesques, il devient lui-même ridicule. Cependant, contre tout attente, il finira par atteindre son but en rencontrant Christiane, une professeur de sciences de son âge, profondément blessée par l’amour et sa manifestation physique mais qui pourtant succombe devant le charme un peu enfantin de Bruno ; elle apprend sans sourciller la vie chaotique de ce dernier, ses nombreuses visites chez les prostituées, son internement en hôpital chaotique pour avoir pratiqué un léger attouchement à l’une de ses élèves… Elle l’accepte tel qu’il est. Elle accepte d’assouvir son besoin d’affection. Et de sexe.
Ils vivent heureux tous les deux.
Du côté de Michel, rien n’a changé. Il est toujours plongé dans ses recherches qui n’avancent pas et semble toujours aussi peu préoccupé de l’amour et de ses facéties. Son esprit se perd dans des considérations scientifiques et philosophiques qui ne l’aident pas à atteindre son but eugénique. Seules les discussions qu’il a régulièrement avec Bruno, qui sont autant de caricatures de confrontations entre un littéraire et un scientifique, cassent un peu le rythme mécanique de ses journées. Pourtant la rencontre fortuite d’une Anabelle, elle aussi meurtrie par l’amour, mais aux sentiments encore intacts pour Michel, va considérablement bouleverser son existence. Avec elle, le froid scientifique va tenter de ressentir ce qu’il a toujours considéré comme futile… L’amour et le plaisir.
Cette deuxième partie s’achève donc sur une amorce d’éducation sentimentale pour les deux protagonistes principaux du récit. Une vie sentimentale dont la suite sera décrite dans la troisième partie. Ainsi, on constatera que les conséquences de cette initiation à l’amour seront désastreuses pour Bruno : certes, il passe de très bons moments avec Christiane mais lorsque celle-ci est victime d’une paralysie des membres inférieures, il l’abandonne sans aucun scrupule. Elle mourra quelques temps plus tard et il retournera spontanément à la clinique psychiatrique.
Pour Michel, cet épisode ne sera qu’une parenthèse pour mieux retourner dans la routine de ses travaux. Malgré tous les efforts d’Annabelle, Michel ne parvient pas à l’aimer. Il apprécie énormément les moments passés avec elle mais il n’éprouve pas la même attirance que sa compagne. Il n’arrive pas à franchir le pas. Il n’a en réalité que faire de cette distorsion des sentiments qui détruit petit à petit son amie d’enfance mais le laisse complètement impassible.
Elle finira par mourir d’un cancer. Michel, quant à lui, achèvera ses travaux. Ayant ainsi perdu sa raison de vivre, il disparaîtra.
« La possibilité de vivre commence dans le regard de l’autre. », écrivait Houellebecq quelques dizaines de pages auparavant. En annihilant ce regard, Bruno et Michel ont achevé de vivre. Est-ce pour autant la fin des Particules élémentaires ? Pas tout à fait.
Car l’auteur entrecoupe sa trame principale de réflexions de son cru. Si la plupart d’entre-elles sont d’ordre scientifique et concernent Michel et son travail à caractère eugénique, Houellebecq couche également sur papier des considérations sociologiques sur l’évolution des mœurs amoureuses ou familiales des années ’60 à nos jours. Très caustiques, volontairement provocatrices, ces opinions ont principalement pour but d’étayer les personnages, de leur donner un peu plus de liant, de profondeur mais également de justifier leurs actions ou les pensées résolument contre-natures qui sont dévoilées au fil des plongées dans le subconscient de l’un ou l’autre demi-frère. Lancées sur des chemins divers et variés, elles déroutent le lecteur. Elles transforment le texte en particules. Elles apparaissent alors qu’on ne les attend pas, si bien qu’elles hachent l’acte de lecture. Toute routine textuelle s’en trouve mise à mal, anéantie. Pourtant beaucoup de lecteurs prendront le parti de ne pas emprunter ces voies d’anarchie littéraire. Tel un choix herculéen qui se présenterait à eux, ils préféreront prendre le chemin le plus facile : la focalisation sur la trame même en faisant abstraction de toutes ces digressions, quitte à placer des ponts au-dessus de rivières de dizaines de pages pour atteindre la péripétie suivante. Pourquoi ? Car les réflexions de Houellebecq sont tellement poussées qu’elles semblent tout droit sorties des livres scientifiques les plus spécialisés. À moins de s’accompagner de Wikipédia, rares sont ceux qui essaieront de comprendre les méandres du jargon biologico-moléculaire utilisé. D’autant qu’au final, tout cet étalage de science s’avère très dispensable.
Particules de textes mais également particules de style. Dans ce roman, l’écrivain adopte une manière d’écrire à trois facettes : scientifique pour ses pensées, lourde et pesante lorsqu’il décrit la vie de Michel comme pour renforcer un peu plus les sentiments de solitude et de vacuité qui caractérisent son existence, drôle, burlesque voire enfantine pour narrer les péripéties de Bruno, à l’image du personnage en somme.
Autre contraste saisissant, le vocabulaire utilisé pour raconter les aventures des deux demi-frères qui tranche nettement avec la scientificité des passages théoriques. Amis puritains, passez votre chemin ! Le thème du sexe, omniprésent dans le roman, est ici illustré avec tous les mots les plus réalistes et surtout les plus vulgaires de son champ lexical : on assiste ainsi à une prolifération textuelle de pénis en rut, de vulves atteintes par l’âge, de réflexions sur les différentes manières de faire une bonne fellation, de pénétrations et d’éjaculations diverses et variées.
Les particules élémentaires se révèle être au final plus le manifeste d’une esthétique houellebecquienne de la littérature que le récit d’une histoire. Dandy ouvertement choquant, l’auteur tente de faire exister au sein d’un même ouvrage science et littérature à l’état pur en cassant au passage tous les codes préétablis requis pour susciter l’acte de lecture : la pluralité du style, la dualité de la teneur des propos, les continuels soubresauts de la plaque tellurique du récit sont là pour nous rappeler que — sans aucune volonté d’apothéose — on ne lit pas un roman de Houellebecq comme on se plonge dans un Balzac ou un best-seller. Qu’on aime ou déteste le personnage, qu’on adhère ou qu’on considère sa rencontre comme une faute de goût, la première approche du personnage à travers ses écrits reste une expérience qui ne laisse pas indifférent.
Le problème, c’est qu’à force d’être envoyé dans tous les sens pendant 313 pages, le lecteur se demande ce qu’il doit retenir de cette expérience. Quelques réparties par ci, par là ? Un émerveillement face aux idées exposées ? La crudité obscène des termes employés ? Difficile de se faire une opinion précise tant les avis peuvent se révéler divergents. Désorienté, il pourra qualifier ce mélange de science exacte et de littérature d’étrange. C’est le parti que nous prenons.

Publié le 20/08/2009 sur le site Communelangue

 
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