Thomas Passe-Mondes - T1 : Dardéa

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Au XIIè siècle, le philosophe Bernard de Chartres prononçait cette maxime aujourd’hui devenue proverbiale : «  Nous sommes des nains juchés sur les épaules de géants. » Le brave homme entendait par là qu’il était loin d’être honteux, pour ne pas dire nécessaire, de s’appuyer sur des sources antérieures pour développer ses propres conceptions.

Cette expression est à garder en mémoire au moment d’aborder Dardéa, le premier tome de la série Thomas Passe-Mondes. En effet si, au premier abord, l’œuvre semble nettement influencée par son illustre ainé qu’est  Harry Potter, il ne faudrait cependant pas en conclure que l’ouvrage est un ersatz ou manque cruellement d’originalité. D’une part, parce que l’impact du cycle de J.K. Rowling a été tel dans l’univers de la littérature jeunesse fantastique qu’il semble difficile pour les auteurs de ne pas être influencés par cette référence au moment d’écrire pour ce type de public. D’autre part, parce que l’auteur lui-même assume cette parenté dès les premières pages du livre.

Il est cependant vrai que le héros  de l’aventure, Thomas Passelande, partage bien plus qu’une admiration envers le célèbre sorcier à lunettes : tout comme son illustre aîné, le jeune homme est orphelin, maltraité par ses congénères en classe et est victime de phénomènes étranges qu’il ne peut lui-même expliquer. Ses seuls alliés sont sa grand-mère Honorine et son meilleur ami Pierric. Son existence aurait pu rester dans cette triste banalité mais la découverte d’un monde parallèle va bouleverser ses repères et l’emmener dans une quête épique. En outre, les lecteurs les plus avisés reconnaitront çà et là quelques péripéties familières mais réinventées sous la plume d’Éric Tasset.

Ces similitudes font-elles de Dardéa, un ouvrage à déconseiller pour les lecteurs/rices qu’il vise ? Certainement pas. Car le texte possède suffisamment de qualités personnelles pour être dévoré par ces derniers.

 Car Thomas Passe-Mondes, c’est d’abord un style nerveux, efficace et qui va droit au but. Il n’y a pas d’envolée descriptive dont la longueur arrêterait l’histoire et casserait la tension engendrée. Ce qui ne veut pas dire que l’auteur n’y a pas recours mais seulement qu’il utilise ce procédé de manière parcimonieuse, donnant juste assez d’éléments  pour faire fonctionner l’imagination sans que cela se fasse au détriment du déroulement de l’action. On notera également les nombreuses références faites à notre quotidien tout au long du récit et qui contribue à donner au lecteur l’impression de participer aux péripéties.

Cette appartenance est magnifiée par des personnages aussi divers qu’attachants. Surtout  Thomas, le héros, qui prend de plus en plus d’épaisseur et de maturité au fil des pages mais  sans oublier ce qu’il est vraiment, à savoir un adolescent comme tout le monde. On le voit ainsi tantôt rageur face au manque de confiance qu’on lui témoigne, tantôt naïf et maladroit dans le comportement qu’il adopte vis-à-vis d’Ela Daeron, une jeune fille qui sera son guide au sein du monde parallèle d’Anaclasis et source de bien des ennuis pour lui. Il est également doté de réflexions humoristiques qui font systématiquement mouche et qui apportent au récit une légèreté rassurante, même dans les moments les plus critiques. 

Mais c’est dans l’imaginaire de l’auteur que réside véritablement  l’intérêt de ce premier tome. Celui offre en effet un univers d’une richesse rare pour une première visite et qui laisse de multiples possibilités pour les récits ultérieurs que ce soit au niveau du concept – très bien amené – de dédoublement des mondes (Anaclasis possédant la même géographie que l’Europe), du pouvoir des Passe-Mondes (bien que les autres disciplines ne manquent pas d’intérêt) qui permet de visiter une grande variété de lieux sensationnels ou encore des Animavilles, ces cités vivantes (dont Dardéa fait partie) qui modifient leur organisation en fonction des besoins des habitants et sous le couvert de certaines règles (pas de consommation de viande, pas de feu, pas d’armes)

Quant à l’intrigue en elle-même, elle prend les traits d’une enquête cherchant à découvrir l’instigateur d’étranges phénomènes survenus au sein du monde parallèle et dont Thomas semble être la cible.  Passionnante et dotée de rebondissements multiples, elle se double d’évènements sérieux tels que des rapts, des attaques surprises et même le début d’un conflit à l’échelle mondiale, preuve que si le livre est destiné à un lectorat plutôt jeune, cela ne l’empêche pas de le prendre au sérieux en lui proposant des aventures convaincantes.

Tous ces éléments font bien vite disparaitre le substrat pottérien lancinant des premières pages au profit d’un (double) environnement foisonnant, bourré d’idées bien senties et d’une intrigue qui met en valeur à la fois ses caractéristiques mais aussi les qualités des personnages qui y évoluent. Comme si au fil de la rédaction de Dardéa, Eric Tasset avait pris petit à petit confiance en lui pour mener à bien son projet.

Et le nain Thomas Passe-Mondes de montrer sa volonté de grandir pour devenir l’un de ces géants sur lequel il s’est brièvement juché.  Donnez-lui sa chance que ce soit en version papier ou au format numérique. Il en vaut réellement la peine.     

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Les Saveurs du palais

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Pour qualifier l’impression qu’a produite sur nous ce long-métrage, osons adapter quelques expression archi-connues  à notre sauce : « le plat ne fait pas le moine », « tant va  le met à la cuisson, qu’à la fin, il brûle » ou encore « il faut se méfier d’Hortense »… 

Ces trois détournements résument à notre sens les principales défauts de la réalisation de Christophe Vincent : un pitch excellent qui, après avoir donné l’eau à la bouche aux spectateurs, finit par y tomber (à l’eau) ; une orientation narrative voulue et rythmée par un faux suspense dont la chute, longuement attendue, déçoit ; enfin, un personnage principal dont la biographie bancale surprend avant de laisser dubitatif.

Pourtant, et c’est peut-être cet aspect qu’il faudrait le plus regretter,  le synopsis de la production possédait en son sein pléthore d’excellents ingrédients qui, correctement exploités, auraient été à même de rassasier les yeux du public le plus ventru (ou exigeant, c’est selon).  Et le soufflé inoubliable qu’on était en droit d’attendre de rester désespérément plat au moment où les lumières réapparaissent dans la salle.

Le film touchait en effet à un fantasme, au saint des saints : le palais de l’Élysée et son quotidien. Qui donc ne s’est jamais demandé comment la vie s’organisait en ce lieu chargé d’histoire, et in extenso, comment le président français évoluait jour après jour dans ces murs ?  Ces questions trouvent des éléments de réponse dans le long-métrage qui, bien loin de se muer en un documentaire lambda qu’il n’est pas, puise son originalité dans un angle d’attaque particulièrement à la mode : la cuisine. Et d’emblée, on devine cette dernière faramineuse, compte tenu du rang du propriétaire des lieux.

Il est vrai que tant d’un point de vue technique que spatial, les fourneaux présidentiels s’avèrent tout simplement impressionnants avec leur organisation en double partie : on a ainsi d’un côté le service dédié au palais lui-même, temple gastronomique où technique et démonstratif  sont les maître-mots. De l’autre, la cuisine personnelle du Président de la République, où Hortense (Catherine Frot) professe seule en compagnie d’un commis acquis à sa cause, un territoire où la nostalgie des recettes d’antan et les produits du terroir font figure de lois immuables pour les vénérables casseroles de cuivre. Cette opposition, qui débouchera sur une rivalité profonde, n’est cependant pas la seule du long-métrage.

En effet, la narration du destin de l’héroïne est évoquée non pas de manière linéaire mais dichotomique, l’intrigue oscillant de fait entre deux tableaux tout au long du film, l’un étant centré d’une part sur le vécu d’Hortense à l’Elysée et l’autre sur son existence après cette expérience, alors qu’elle s’apprête à quitter son emploi de cantinière dans une base française de l’Arctique. La justification de ce constant va-et-vient tient en une seule interrogation chargée de tenir l’auditoire en haleine : quelles sont les raisons qui l’ont poussé à abandonner le premier travail au profit du second ?

Et c’est une fois que cette question est posée que l’ensemble de la recette commence à sentir le roussi.
Premièrement, à cause de la nature-même du film qui, hormis de manière sporadique, refuse toute forme d’action réellement palpitante. Son déroulement se fait ainsi de manière narrative pour ne pas dire contemplative : on assiste simplement à une tranche de vie dans toute sa banalité et sa fascination. Quels que soient les gourmets, on ne verra Hortense que courir, conduire, sélectionner ses produits et cuisiner. Rien de plus. Au final, cette dimension narrative (dé)tonne et peine à véritablement convaincre car mal amenée et mal construite.

Deuxièmement, à cause de l’orientation très franco-française donnée à l’ensemble : on célèbre la qualité des aliments la France et un art culinaire que l’on regrette d’avoir perdu. Ce parti-pris, s’il n’est pas dérangeant en soi et peut même faire s’esquisser des sourires (notamment à travers la prose poétique des livres de recettes du siècle dernier), devient néanmoins agaçant à force d’être martelé sans cesse. Il touche même au ridicule dans les répliques de Jean d’Ormesson (vieil académicien vénérable propulsé présidentiable par la magie du septième art) dont la diction forcée et chevrotante, garante d’une langue française des plus parfaites, ne donne pas envie de rêver de cet âge d’or révolu mais plutôt de le chasser à grands coups de balai.          

Cette célébration du passé, déjà sérieusement décrédibilisée, s’apparente à un naufrage complet lorsque l’on découvre les motivations du départ d’Hortense : un changement radical à la tête de la hiérarchie de l’Élysée …et la mise à la diète du Président ! Trop chère et trop grasse, la cuisine traditionnelle du personnage principal ne peut s’adapter aux prescriptions sévères des médecins et du comptable. Et Catherine Frot, droite dans ses talons, de quitter ce palais où ses saveurs ne peuvent plus s’exprimer librement pour d’autres cieux. Et le long-métrage de prendre les allures de cet éternel cliché qui oppose la méchante société industrialisée à la pureté de la tradition d’antan. Sans finesse, ni assaisonnement.  Dans cette optique, doit-on réellement s’étonner de l’exil de l’héroïne en Antarctique, une terre vierge et pure où l’introduction de tout élément moderne est vouée à l’échec (cf. l’équipe de télévision) ?

Tous ces défauts – petits ou gros, objectifs ou personnels – nous empêchent de goûter à ce film qui s’apparente davantage à un cheveu dans la soupe qu’à une madeleine de Proust comme on aimerait nous le faire croire. De surcroît, de nombreuses scènes inutiles (comme l’ignoble parodie en fin de long-métrage envers lequel nous crions un immense « pourquoi ? ») rendent l’ensemble encore un peu plus indigeste jusqu’à éclipser la performance honnête de Catherine Frot elle-même. Et nous de conclure finalement que l’intérêt des Saveurs du Palais réside peut-être dans son jeu de mots et dans ce qui n’aurait dû être, à savoir son aspect documentaire. Car en sortant de la salle obscure, on constate que l’on a beaucoup appris niveau lexique culinaire et alimentaire, notamment grâce à une photographie sublime et réellement didactique.

A tel point que pour certains spectateurs, le mérite du film résidait dans sa capacité à ouvrir efficacement l’appétit.    

Les Misérables (Théâtre Royal du Parc, 3/10)

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Du 20/09 au 20/10 au Théâtre Royal du Parc, rue de la Loi, 3 1000 Bruxelles
 De: Victor Hugo
Avec : Olivier Massart, Benoît Verhaert, Stéphane Fenocchi, Perrine Delers, Tessa Dujardin,   Sarah Delforge, Violette Pallaro,  AntojO, Fabien Magry …
Mise en scène : Thierry Debroux


Dans le petit monde des lettres, les anniversaires d’œuvres célèbres sont souvent prétextes à une abondante production d’hommages : littérature critique, nouvelles éditions de texte avec une couverture spécialement élaborée pour l’occasion, adaptations diverses et variées : toutes les formes disponibles semblent adéquates  pour rappeler au public l’importance du texte commémoré. À l’aube de souffler leur 150è bougie, les Misérables ne paraissent pas déroger à cette règle  puisqu’Hollywood s’est à nouveau emparé  de leur histoire pour en faire un (énième) long-métrage auquel on espère une heureuse réception. Et puis, il y a cette version dramatique proposée par le Théâtre Royal du Parc en guise d’ouverture de sa saison.

Il suffit parfois d’un rien pour éprouver l’envie subite de goûter au spectacle sur tréteaux. De la curiosité par exemple : est-il réellement possible de transposer en répliques et en didascalies un récit dont le volume est presqu’aussi proverbial que celui de La Recherche du Temps Perdu d’un certain Marcel P.? Un tel exercice ne s’avère pas en effet exempt de tout risque, d’autant plus que le piège de la dénaturalisation guette à chaque coupe opérée au sein de l’intrigue. Et la sagesse littéraire d’enfoncer le clou en proclamant son célèbre anathème : « traduire, c’est trahir ».Et nous de nous demander : cette traduction théâtrale du chef d’œuvre hugolien mérite-t-elle les baisers de Judas ou les vivas de la foule ?

Deux heures vingt et quatre rappels plus tard, nous avons la réponse à notre question et un seul mot en bouche pour qualifier cette représentation : magistrale.    
    
Magistrale aussi bien par le décor et que la machinerie. Alors qu’on aurait pu craindre une mise en scène aussi classique que le roman duquel la pièce est tirée, le public se trouve confronté dès le lever du rideau à une structure à étages qui étonne. Aux nombre de trois, ces derniers-traversés par un escalier qui les relie - comportent chacun trois pièces ainsi que des fenêtres de toile susceptibles d’être ouvertes à tout moment. Surprenante, cette structure quasi-alvéolaire ne cesse de démontrer sa polyvalence  tout au long de la pièce : café, atelier, bordel, tribunal, hôpital sont quelques-uns des multiples lieux qu’elle matérialise avec une crédibilité sans pareil.  L’illusion des réels dés lors opère et est même magnifiée par quelques « effets spéciaux » impressionnants comme la table sur rails, la neige qui tombe du haut de la scène pour symboliser l’hiver ou encore l’eau qui s’éclabousse au rythme de la progression pénible de Jean Valjean dans les égouts. Enfin, la présence d’un écran situé au-dessus des acteurs joue également un rôle capital puisqu’il permet à travers les images projetées de susciter un paysage, une atmosphère ou mettre en exergue les émotions ressenties par un personnage.    

Magistrale car portée par des acteurs qui incarnent avec brio leurs rôles : mais si tous sont excellents, trois sortent cependant du lot : Olivier Massart personnifie en chair et en os ce protagoniste tout en nuances qu’est Jean Valjean, le rendant encore plus humain et émouvant que son homologue de papier. Stéphane Fenocchi  joue un Thénardier assoiffé d’argent dont le langage très fleuri ainsi que les combines ridicules apportent au spectacle un souffle comique bienvenu au vu de la thématique pessimiste de celui-ci. Quant au rôle de Javert, il est incarné par un Benoît Verhaert  d’une rigidité et d’un charisme naturel qui confèrent à l’inspecteur aux gants verts la terreur nécessaire pour impressionner durablement l’assistance.

Magistrale dans le travail de réécriture opéré par le metteur en scène Thierry Debroux. Car si la tâche était ardue, le défi a été magnifiquement relevé : la trame est limpide et parfaitement calibrée dans le temps. De plus, aucune des scènes essentielles du texte originel ne manque à l’appel et les différentes ellipses qui ponctuent ces dernières s’enchaînent en douceur : l’intrigue ne connait ainsi aucune transition brusque, que du contraire, elle se révèle d’une fluidité parfaite qui font passer les deux heures vingt de performance comme une lettre à la poste. On saluera également l’esthétique audacieuse de la pièce qui multiplie les anachronismes sans que ceux-ci paraissent anormaux au spectateur: on ne s’étonne jamais que l’on parle de téléphone, qu’un figurant hurle en regardant un match de foot à la télévision ou qu’une machine à laver serve de composante à la barricade la rue alors que l’action se déroule au XIXè siècle. Tout s’intègre parfaitement, une harmonie qui donne à la pièce un aspect moderne qui l’empêche de tomber dans l’écueil du classicisme évoqué plus haut et aide le public à mieux apprécier l’histoire grâce à la présence de référents qu’il connaît.

Au final, si l’habit ne fait pas le moine, il est certain dans ce cas-ci que le titre ne fait pas la pièce. Portée par une mise en scène originale et des acteurs inoubliables, celle-ci condense au sein de sa trame tous les ingrédients qui ont permis au texte de passer à la postérité et de devenir un classique du genre. En outre, elle constitue, grâce à son esthétique moderne, une porte d’entrée intéressante vers le texte et un moyen concret de lutter contre cette tendance qui veut que tout le monde sache ce que sont Les Misérables, sans jamais l’avoir lu, à l’instar … des œuvres d’un certain Marcel.  

The Expendables 2

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Dans le domaine cinématographique, l’expérience commune (ou l’avis des spécialistes du septième art) tend à conseiller au spectateur de se méfier des long-métrages affublés d’un petit « 2». Il serait néanmoins dommage que celui-ci se fie strictement à ce diktat. En effet, retravailler une recette ayant déjà fait ses preuves peut lui être bénéfique puisque ce dernier retrouvera à la fois les ingrédients qui l’ont originellement fait frissonner mais aussi cette nouvelle saveur qui rendra son visionnage mémorable.
Sur pellicule , Expandables 2 promettait, à grands coups de trailers alléchants, d’allier ces deux approches. En d’autres termes, reprendre les lignes de force qui avaient propulsé le premier opus vers le succès mais à une autre sauce et avec davantage d’ambition : plus d’acteurs célèbres , plus d’explosions, plus de combats et ce,  tout au long des 102 minutes du film.

Pour arriver à ses fins, les scénaristes ont abandonné le contexte mêlant drame et sérieux du premier volet pour jouer à fond la carte de l’action mâtinée d’une bonne dose d’auto-dérision. En résulte donc une histoire minimaliste où l’opposition archétypale entre les bons et les méchants est prétexte à des scènes plus spectaculaires les unes que les autres. Superbement réalisées, ces dernières se révèlent jouissives voire comiques grâce à leur côté complètement invraisemblable. Un aspect humoristique renforcé par des vannes axées tantôt sur des jeux de mots simples mais efficaces (cf. le déjà cultissime « Rest in pieces »), tantôt sur le background d’un des protagonistes du long-métrage (Schwarzenegger qui scande à tue-tête « I’m back ! »).

Le nombre des acteurs a également été revu à la hausse dans cette suite : aux 6 combattants du originaux, s’ajoutent moults noms prestigieux, tous issus de la période dorée des 80-90’s comme Chuck Norris ou encore notre JCVD national. Ajouté à l’intention évoquée plus haut d’en mettre plein les mirettes au public, ce casting aussi nostalgique que démoniaque s’avérait être un atout supplémentaire pour que la recette Expendables continue de fonctionner et de perdurer.

Pourtant, la mayonnaise n’a pas pris.    

En cause notamment le rythme du film trop inégal pour tenir le public en haleine. Les séquences d’affrontement sont en effet entrecoupées de longs plans centrés sur les souvenirs des héros, leurs sentiments, leurs doutes quand on n’entre pas carrément dans les réflexions philosophiques profondes (cf. le monologue aussi ridicule que drôle du père Stallone sur les raisons qui poussent les meilleurs à partir en premier). Si l’atmosphère du premier opus permettait de crédibiliser cette alternance entre moments calmes et plus nerveux, force est de constater que ce mécanisme n’a aucun sens dans un long-métrage qui a érigé l’humour et l’action comme raisons d’exister. Dès lors, dans la salle, on se surprend à detester ces intermèdes ennuyeux qui s’imposent à nous entre deux (magnifiques) échanges de tir.
Présentée comme la pierre angulaire de la réalisation cinématographique, l’apparition des diverses célébrités à l’écran se révèle en réalité problématique tout au long du film. Il ne s’agit pas ici de contester le fait que chaque star  dispose de son propre moment de gloire, ce qui semble de prime abord logique mais de souligner la disparité de ceux-ci. Et d’ainsi déplorer qu’un Jet Li, un Bruce Willis ou un Chuck Norris (bien que celui-ci ait quand même eu le temps de placer une hilarante Chuck Norris Facts) ne bénéficient pas de davantage d’exposition médiatique. En outre, la multiplication des protagonistes par rapport à la durée du long-métrage empêche d’une part que ces derniers soient développés suffisamment pour qu’on s’y attache et de l’autre qu’une véritable cohésion émerge au sein du groupe : la scène finale apparait donc davantage comme une somme d’individualités que comme un travail d’équipe planifié dans un but commun (arrêter le méchant).

Ce constat est renforcé par un jeu d’acteur oscillant entre le bon et le médiocre : ainsi, si Stallone et sa bande apparaissent toujours aussi charismatiques, si Norris a montré en quinze minutes que son aura était toujours intacte, si Schwarzie et Willis nous ont fait rire, ce n’est pas le cas de Jean-Claude Van Damme qui n’effraie pas dans son rôle de méchant caricatural (même si, à sa décharge, porter le nom de M. Vilain n’aide pas beaucoup) et dont le combat final pathétique détruit toute once de crainte.
Au final, si l’on pèse les qualités et les défauts de ce film sur une balance, il en ressort de l’amertume et de la déception. Esthétiquement beau et doté d’une ligne directrice qui semblait calibrée pour satisfaire tout type de public, le long-métrage possède cependant trop de défauts pour utiliser à bon escient les armes qui lui ont été données afin de faire feu droit dans le cœur des spectateurs. 

L’escalier

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Parce qu’il a fallu un jour renoncer à aller vers l’avant
Parce qu’il a fallu considérer les lignes droites comme ennuyantes
Je ne suis pas celui qui a décidé de te relever la tête
Qui a fait bleuir tes yeux en te faisant admirer le ciel
Si je parais inacessible, je reste tout de même mortel

On a dû te dire que le moment était venu pour mûrir
Emprunter l’escalier  et ses marches pour grandir
Je sais que le long de la rampe sont gravés tes rêves
Des désirs pour lesquels tu trébucheras quelquefois par déveine
Ma main est un appui faible mais reste néanmoins tienne.

Des obstacles peuvent se dresser ou le désespoir te corrompre
Ton courage s’étioler au rythme des secondes
Je ferai tout pour te faire franchir ces marches
Mais si je dégringole ou que les nuages de tes doutes s’amoncellent
N’oublie pas de regarder vers ce sommet que le bonheur ensoleille

Petit à petit, il faudra progresser, nos muscles fatigués
Monter pour nous débarasser de ce marasme qui nous freine
Et quand bien  même la chute nous guette, notre entraide
Et nos sourires complices pallieront à toutes nos détresses
Pour finalement arriver à l’étage de nos projets
Où nos traces disparaîtront dans la lumière de l’intimité.

The Offspring – Days Go By (2012)

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Réécriture : « reprise d’une œuvre antérieure par une autre qui l’imite, la transforme, s’y réfère explicitement ou implicitement » (Le Dictionnaire du Littéraire)


Comment évoquer The Offspring aujourd’hui ? Faut-il opter pour la sacro-sainte et banale biographie ?  Ou plutôt un souvenir d’adolescent(e) durablement associé à l’un de leurs tubes mémorables ? À moins qu’on ait tout simplement oublié l’existence de ce groupe bien qu’il sillonne régulièrement encore les scènes internationales ? Face à ces interrogations, nous prendrons le parti de traiter le sujet de manière originale, en suivant un dictionnaire. 

Et de nous demander : qu’est-ce que Days Go By ?  Ni plus ni moins que du neuvième album des musiciens d’Huntington Beach (en Californie). Et le titre du single destiné à promouvoir le disque en Europe : un morceau qui parle du temps qui passe,  thématique que la bande du chanteur Dexter Holland a choisi d’exploiter tout au long de l’album, que ce soit au sein des paroles ou des choix artistiques opérés. 


Emblématique de cette tendance, The Future is  Now ouvre l’album de manière ébouriffante, avec ses riffs rapides et son refrain puissant : une piste qui semble confirmer la fougue retrouvée d’un combo que le public a parfois trop vite envoyé dans la fosse des has-been. L’auditeur lambda (celui qui n'aurait écouté ou qui se serait arrêté à Americana, dernier succès international des Californiens) se sentira aux anges.. A contrario de celui plus expérimenté qui, même s’il aura repéré ça et là quelques audaces musicales ressemblant à de l’inspiration, sera sans doute beaucoup plus perplexe. Peut-être parce que la plupart des mélodies présentées sur la galette lui rappellent quelque chose. Comme si la réponse à ce dilemme des jours qui passent, The Offspring n’avait pu la trouver que dans l’exhumation de son glorieux passé (comme le réenregistrement de Dirty Magic sorti sur l’album Ignition de 1992)  et ou dans la reprise des recettes d’autres groupes qu’ils ont ou qui les ont influencés (citons respectivement Rise Against ou les Clash).


Mais si The Future is Now fait penser à Savior du premier, si une chanson comme OC Guns semble être un hommage aux Guns of Brixton du London Calling des seconds, les Californiens ont néanmoins l’honnêteté de reécrire ce matériel ancien et moderne à leur sauce. Un travail qui passe notamment par la conservation du fameux son « Offspring » codifié définitivement il y a une quinzaine d’années et qui réussit l’exploit de transparaitre dans une production définitivement trop lisse pour donner un véritable caractère sonore à l’album. Un comble, lorsque l’on sait que le chanteur se plait à singer cette tendance dans Cruisin’ California, parodie (une des spécialités du groupe) à peine cachée de Katy Perry qui, sans être désagréable, n’a cependant pas clairement le même impact que le célèbre Pretty Fly. Si ce constat peut s’appliquer à d’autres pistes, cela ne signifie cependant pas que la synthèse entre ancien et nouveau opérée par The Offspring accouche de mélodies banales : Hurting as One, dont le refrain reprend les paroles d’une autre chanson (Something to believe in), Turning into you ainsi que Secrets from the Underground ou encore la paire Dividing by zero/ Slim Pickens dont les Belges ont eu droit à la primeur lors du passage du combo à l’AB, sortent du lot et promettent encore quelques beaux mouvements de foule lors de futures représentations en live. 


Que retenir de cet opus au final ? Que The Offspring vieillit sans pour autant être grabataire. Conscient que le temps passe, le groupe tente de surprendre en proposant un album où se cotoie la résurgence inespérée du passé et une tentative – parfois convaincante mais souvent maladroite – de s’insérer dans la vague musicale actuelle en s’inspirant de ce qui est plébiscité en punk (pop ?)-rock. Aujourd’hui  Ainsi, malgré les jours qui passent, les Californiens nous offrent un bon petit album sympathique mais que les choix hasardeux et les influences parfois trop évidentes empêchent d’être une réussite totale. 

Extra-temporalité

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J’ai toujours aimé les fins de journée.  Et plus spécialement, ce moment  particulier où après avoir déposé mon bic, fermé mes livres et entassé le tout dans un coin déjà fort encombré de mon bureau, je pouvais, sans remords, m’abandonner à des loisirs bien mérités. Pourtant, ce soir-là,  point de séries ou de football à regarder, point de roman imaginaire à dévorer, point de séance de clavardage inattendue jusqu’à l’aube, rien ne m’attirait, hormis peut-être l’écoute d’un peu de musique. Mais que choisir ? L’ensemble de ma discothèque, quoique qu’assez récente au demeurant, me semblait usée jusqu’à la corde : la faute sans doute à un trop grand nombre d’écoutes. Finalement, après maintes tergiversations, je tombai sur une vieille compilation dont j’avais oublié l’existence. Le CD, gravé alors qu’Internet balbutiait à peine, ne contenait qu’une seule piste. C’est tout du moins ce que m’affirmait ma microchaine en avalant ce vestige d’adolescence tumultueuse. Les premières notes s’égrènèrent. Bien que je sois couché sur mon lit, les yeux fixés sur le soir en train de tomber, j’eus la sensation de vivre un flash-back tout en restant dans le temps présent. S’il faisait nuit dehors, c’était l’été dans ma tête, le souvenir d’une chaleur particulière, de longues marches sur un gravier suisse, entouré de quatre copains et d’autant de sacs à dos. Tout me revint en tête : mes kilos en trop qui m’empêchaient de marcher aussi vite que mes amis, la fraicheur de ma sueur qui contrastait avec le cuisant de mes coups de soleil, les siestes en haut des sommets qu’on atteignait, la débilité de nos discussions et surtout notre insouciance : on ne doutait de rien et nous étions heureux. Je l’étais tout autant que ce soit conjugué au passé ou au présent.

La chanson sembla durer des heures. Or, elle ne faisait que trois minutes trente. Animé par la volonté de me remémorer à nouveau, je la relançai mais elle eut moins de prégnance sur ma mémoire. La troisième tentative encore moins. La quatrième, quant à elle, échoua tout-à-fait.  Après quelques instants de réflexion, je me dis qu’il me faudrait redécouvrir cette mélodie après un laps de temps d’oubli équivalent pour éprouver les mêmes sentiments. Ou était-ce autre chose en fin de compte ? Je ne le sais. Mais lorsque je relevai la tête après cette conclusion, une chose était certaine en tous cas : il faisait nuit, au-dehors.     

Way Out of here

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" Si je n'écris pas, c'est parce que je ne trouve un programme d'écriture digne d'intérêt et d'ailleurs je ne vaux rien, je ne suis attiré que par de médiocres choses, par des objets particuliers dépourvus de valeur intellectuelle et ne se rapportant à aucune vérité abstraite"
(M. Proust)

Il se promenait tout simplement. Sur le coin d’une route. Pourquoi n’avait-il pas pris le trottoir comme la société ou son éducation l’aurait obligé à le faire ? Il n’y en avait pas. Enfin si, mais en travaux. Des trous et de la boue un peu partout. Et des ponts provisoires en métal pour traverser les fossés. Mais il neigeait et tout était blanc, tout était mouillé, tout était gelé. Autant de raisons pour ne pas s’y risquer. Il n’avait jamais eu beaucoup d’équilibre et ce n’était pas le moment de se fouler la cheville, disait son bon sens rationnel. Le bon sens. Une entité érigée dans l’existence d etout un chacun à grand renforts de caractéristiques positives. Y compris dans la sienne. Mais lui, à chaque fois qu’on discutait à propos de cette valeur, ici, là ou encore autre part (ne demandez pas précisement où, il n’a jamais eu une traitre bribe de mémoire topographique), cela le faisait toujours ricaner. Le rictus se prononçait même lorsqu’il entendait certaines expressions consacrées telles que : « c’est l’évidence même ! », « c’est on ne peut plus rationnel », « le bon sens voudrait que ». VOUDRAIT. N’a-t-on jamais appris aux gens que Mr. « Je veux » meurt toujours à la guerre ? Qu’importe sa personne, qu’importe son apparence ?

Soyons clairs : si le bon sens consistait en l’ingrédient principal de la recette du bonheur, cela se saurait. Lui n’y a jamais cru. Il avait sa propre théorie et pensait que l’amplitude de ce don inné et fabriqué devait se situer quelque part au milieu des plateaux d’une balance qui déterminerait les moments exceptionnels et puis parfois plus compliqués d’une existence. Le hasard se chargeant d’alourdir l’un ou l’autre camp, en fonction des évènements. Une telle conception de son intuition lui permettait ainsi de proclamer que sa vie pouvait se réduire à une scie. Avec des dents pour les hauts et les bas. Et un tranchant pour couper (maladroitement évidemment, il s’agit de lui après tout !) la branche où il avait réussi (péniblement, pour les mêmes raisons) à grimper. Ses deux mains gauches empêchaient de déterminer si un tel acte avait été commis exprès ou non (il aimait tellement se tirer une balle dans le pied que cela n’aurait étonné personne).

Pendant ce temps, il tombe, tombe et tombe encore, sans motivation …

Récemment, il avait décidé de peser de tout son poids dans la partie la plus néfaste de l’instrument de pesée. Comme ça. D’un coup. Sans réfléchir (une vieille habitude). Avec comme conséquence d’alourdir tout ce qui évoluait autour de lui. Lourd le sommeil qui s’échappait rapidement auparavant à l’appel chantonnant du révéil électrique. Lourde la chaleur du soleil qui ne le faisait plus rire, ni espérer. Lourd le fantôme de son humeur qui rendait incolore et à jalouser la moindre parcelle d’un étincelant succès. Lourde sa carcasse au moment de se déplacer quand le devoir l’appellait. Une obligation enchanteresse au départ et qui s’était finalement mué en désillusion. De l’or au plomb. Comme une débâcle qui se poursuivrait longtemps encore.

Marchant lentement, lesté d’un poids imaginaire, un bruit lui avait fait tourner la tête.

Puis il s’était envolé.

Il ne s’était plus senti aussi léger depuis longtemps.

Depuis un lustre en fait. Il s’en rappelle, comme si c’était hier. Du doré de cette lampe temporelle qui reflétait des rayons venus de loin . Du ciel aussi bleu que les flots. On était sur la mer, chacun avec son embarcation. Enthousiasmés, tous, un beau jour de septembre, avaient commencé leur traversée. Il était du nombre. Dans une petite barque qu’il avait aménagé de la manière la plus amène possible. C’est qu’elle avait déjà souffert. Mais il avait tout effacé. En prévision de ce nouveau temps. Qui s’était mis à filer. Comme les écueils et les fossés, les maelstroms amers qui brisent les amis qu’on pensait insubmersibles. Comme ces coups de foudre qui rapprochent et puis délaissent. Ou ces facéties du sort qui font achopper sur les récifs les plus innocents des amitiés que l’on disait sincère.

Naviguer, dans les connaissances, dans les théories. Automatiser. Créer. Apprendre. S’enivrer d’encre et de lettre. De pages et de préceptes. Appliquer. Se blinder chaque jour davantage pour répondre aux semonces de plus en plus détaillées. Enthousiasme. Puis vient le jour où tout bascule.

Il s’était pris dans des rets invisibles qui l’ont empêché d’avancer. Il s’est progressivement distancé de la flotte qui avançait fièrement. Ce n’était pas grave, au début. Il pensait s’en sortir par force de travail ou un coup de génie, cela est déjà arrivé. Il a essayé de s’arracher et est parvenu un temps à se gaver de l’illusion de réintégrer ce cortège. Mais le mirage a fini par se lever. Il était seul et embourbé. Mis à part une petite fleur mauve en boutonnière et une lumière tendre dans le creux de ses yeux, il avait engagé toutes ses capacités et le trésor de son enfance pour terminer. Il avait perdu. Plus de plaisir de lecture. Carence complète d’inspiration pour l’écriture. Ce ne sont pas des éléments que l’on peut forcer à retrouver leur splendeur ou simplement à exister. Ils sont là un temps et puis subitement disparaissent, indépendamment de ce dont on bénéficie, comme entourage, comme biens ou comme félicité. Généralement, on considère leur évaporation comme anodine : il y a encore beaucoup d’autres choses à découvrir. Mais pas pour les personnes qui, comme lui, ne possèdent que ces arguments pour surnager. Enlevez-leur ces attributs et elles deviennent des spectres qui empoisonnent la vie des autres. Qui s’en vont. Que peut-il penser ? Qu’il creuse sa tombe, il le sait et le cruel paradoxe dans cette histoire (mais qu’est-au fond que cette suite de mots ?), c’est que c’est la fosse qui aura percé sa carapace. Du gâchis ? Certainement. Mais pour toutes ces excuses et bien d’autres encore, il avait décidé de couler. Descendre, tout doucement …

Bizarrement, la mer avait un goût qui mêlait le bitume froid au sang.

On dit souvent qu’on revoit sa vie défiler au moment de disparaitre. Lui, n’avait vu qu’une large bande dynamique floutée (saleté de myopie !) Certains affirment même qu’une grande clarté peut être aperçue au moment de rendre son dernier souffle … Lui avait réussi à percevoir deux rais de lumière avant de fermer ses yeux. Ce ne devait probablement qu’être une illusion d’optique … À moins qu’il soit bel et bien un privilégié ? Mais alors …

Était-ce Dieu qui était sorti du véhicule ?
 
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