Du 29/01 au 9/02/13 au Théâtre National
De : Anne-Cécile Vandalem
Mise en scène: Anne-Cécile Vandalem
Les titres sont parfois trompeurs. N’attendez pas donc de la pièce Michel Dupont qu’elle vous raconte ou mette en scène un personnage dont la banalité de l’identité autorise tous les âges : le protagoniste principal est une fillette. N’espérez pas non plus floraison de planches et de tréteaux où acteurs et actrices essaieraient de démêler les fils d’une intrigue : ils n’existent pas. Des gradins, strapontins et autres numéros de place ? Ils n’ont pas davantage droit de cité : seuls subsistent des coussins mais surtout une impalpable, mystérieuse et oppressante obscurité, parfait cocon pour accueillir la confession sonore d’une héroïne séquestrée.
Une fois cette scénographie audacieuse et déstabilisante appréhendée, force est de reconnaitre qu’elle se prête à merveille au sujet qu’Anne-Cécile Vandalem entendait illustrer, à savoir raconter le ressenti des personnes ayant subi un enfermement de longue durée, coupées de tout contact avec l’extérieur. Pour arriver à ses fins, la dramaturge a compulsé les témoignages de victimes afin de comprendre la manière dont celles-ci avaient réagi face à la situation. Une méthodologie classique débouchant sur un résultat réellement surprenant où le spectateur n’est plus le réceptacle indirect d’une expérience qu’il doit s’efforcer d’imaginer sur base des mots : enveloppé de ténèbres, il incarne la prisonnière, ses pensées, ses gestes, sa folie ainsi que ses multiples identités. Il n’y a pas de public, uniquement des individualités dolentes, elles aussi cloitrées, mais sur la scène.
À ce partage de souffrance, s’ajoute pour l’auditoire le besoin de se raccrocher constamment à l’histoire. Loin d’être linéaire, cette dernière se compose de multiples strates qui s’entremêlent et surgissent tour à tour sans coup férir : il y a le vécu de Michel, mais également celui plus contemporain d’Aung San Suu Kyi et celui, plus merveilleux, de cette princesse enfermée par son père en haut d’une tour dont le seul crime a été de trop ressembler à sa mère morte en couches. Trois facettes d’une identique réalité qui autorisent toutes les hallucinations possibles entre la métaphore du cheval assoiffé qui renvoie à la déshydratation de la fillette ou la neige pénétrant dans la cellule de la princesse et l’inondant. Des délires qui, grâce au travail sonore effectué, se délivrent de leur enveloppe verbale pour venir se matérialiser aux oreilles des spectateurs aussi fidèlement qu’ils apparaissent dans l’esprit du (des ?) protagoniste(s ?) principal (aux ?). Le rôle des bruitages ne se cantonne en outre pas au fantastique et met son potentiel au service du quotidien : porte qui grince, chaine qui entrave, télévision qui débite son programme, autant de « petits faits vrais » qui rendent la narration complexe plus crédible et permettent aux narrataires présents dans la salle de s’y focaliser davantage. Et bien qu’abandonnés dans la noirceur, ceux-ci ne sont jamais perdus, les lumières tamisées leur permettant de se localiser que ce soit dans la cave ou la tour.
Si cette volonté de tout faire percevoir au spectateur jusqu’au moindre détail est sans doute la force de la représentation, il s’agit aussi de sa faiblesse. En effet, elle débouche par moments sur de longues séquences descriptives ou auditives qui n’apportent rien à la trame polyphonique : celle-ci parait ainsi tirer en longueur, une sensation de lenteur accentuée par l’obscurité totale, sa connotation de repos prenant quelquefois le pas sur celle de l’écoute (on ne s’étonnera donc pas que certaines personnes se soient carrément couchées par terre voire assoupies brièvement…).
Au final, Michel Dupont nous rappelle que l’originalité est une arme à double tranchant : elle peut nuire ou émerveiller. Si dans ce cas-ci, la seconde option s’impose naturellement grâce à son sujet habilement traité, sa sonorisation parfaite et sa scénographie immersive, elle rappelle cependant que l’excès de bonne volonté peut parfois tâcher les plus nobles intentions.
De : Anne-Cécile Vandalem
Mise en scène: Anne-Cécile Vandalem
Les titres sont parfois trompeurs. N’attendez pas donc de la pièce Michel Dupont qu’elle vous raconte ou mette en scène un personnage dont la banalité de l’identité autorise tous les âges : le protagoniste principal est une fillette. N’espérez pas non plus floraison de planches et de tréteaux où acteurs et actrices essaieraient de démêler les fils d’une intrigue : ils n’existent pas. Des gradins, strapontins et autres numéros de place ? Ils n’ont pas davantage droit de cité : seuls subsistent des coussins mais surtout une impalpable, mystérieuse et oppressante obscurité, parfait cocon pour accueillir la confession sonore d’une héroïne séquestrée.
Une fois cette scénographie audacieuse et déstabilisante appréhendée, force est de reconnaitre qu’elle se prête à merveille au sujet qu’Anne-Cécile Vandalem entendait illustrer, à savoir raconter le ressenti des personnes ayant subi un enfermement de longue durée, coupées de tout contact avec l’extérieur. Pour arriver à ses fins, la dramaturge a compulsé les témoignages de victimes afin de comprendre la manière dont celles-ci avaient réagi face à la situation. Une méthodologie classique débouchant sur un résultat réellement surprenant où le spectateur n’est plus le réceptacle indirect d’une expérience qu’il doit s’efforcer d’imaginer sur base des mots : enveloppé de ténèbres, il incarne la prisonnière, ses pensées, ses gestes, sa folie ainsi que ses multiples identités. Il n’y a pas de public, uniquement des individualités dolentes, elles aussi cloitrées, mais sur la scène.
À ce partage de souffrance, s’ajoute pour l’auditoire le besoin de se raccrocher constamment à l’histoire. Loin d’être linéaire, cette dernière se compose de multiples strates qui s’entremêlent et surgissent tour à tour sans coup férir : il y a le vécu de Michel, mais également celui plus contemporain d’Aung San Suu Kyi et celui, plus merveilleux, de cette princesse enfermée par son père en haut d’une tour dont le seul crime a été de trop ressembler à sa mère morte en couches. Trois facettes d’une identique réalité qui autorisent toutes les hallucinations possibles entre la métaphore du cheval assoiffé qui renvoie à la déshydratation de la fillette ou la neige pénétrant dans la cellule de la princesse et l’inondant. Des délires qui, grâce au travail sonore effectué, se délivrent de leur enveloppe verbale pour venir se matérialiser aux oreilles des spectateurs aussi fidèlement qu’ils apparaissent dans l’esprit du (des ?) protagoniste(s ?) principal (aux ?). Le rôle des bruitages ne se cantonne en outre pas au fantastique et met son potentiel au service du quotidien : porte qui grince, chaine qui entrave, télévision qui débite son programme, autant de « petits faits vrais » qui rendent la narration complexe plus crédible et permettent aux narrataires présents dans la salle de s’y focaliser davantage. Et bien qu’abandonnés dans la noirceur, ceux-ci ne sont jamais perdus, les lumières tamisées leur permettant de se localiser que ce soit dans la cave ou la tour.
Si cette volonté de tout faire percevoir au spectateur jusqu’au moindre détail est sans doute la force de la représentation, il s’agit aussi de sa faiblesse. En effet, elle débouche par moments sur de longues séquences descriptives ou auditives qui n’apportent rien à la trame polyphonique : celle-ci parait ainsi tirer en longueur, une sensation de lenteur accentuée par l’obscurité totale, sa connotation de repos prenant quelquefois le pas sur celle de l’écoute (on ne s’étonnera donc pas que certaines personnes se soient carrément couchées par terre voire assoupies brièvement…).
Au final, Michel Dupont nous rappelle que l’originalité est une arme à double tranchant : elle peut nuire ou émerveiller. Si dans ce cas-ci, la seconde option s’impose naturellement grâce à son sujet habilement traité, sa sonorisation parfaite et sa scénographie immersive, elle rappelle cependant que l’excès de bonne volonté peut parfois tâcher les plus nobles intentions.
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