Parfois, il
arrive que le hasard nous pousse à ne plus remettre à demain nos envies
d’aujourd’hui : c’est pourquoi lorsque celui-ci nous a mis nez à nez avec
le deuxième tome papier de Thomas
Passe-Mondes à la Bibliothèque des Riches-Claires, nous avons saisi à
pleines mains cette invitation à replonger dans le monde d’Anaclasis.
Nous gardions en
effet un souvenir assez enthousiaste
de notre premier contact avec cet univers, en dehors du fait que sa découverte
soit liée à notre première expérience de lecture en numérique. Car, Dardéa, malgré quelques défauts de
jeunesse, s’était révélé plein de promesses :
il nous tardait ainsi de vérifier si l’auteur (Éric Tasset) parviendrait à les concrétiser, maintenant que la
nouveauté ne jouait plus en sa faveur.
Le pari semble réussi dès les premières pages qui nous
esquissent les lubies du milliardaire Pierre
Andrémi devant une journaliste et un caméraman ébahis. Le lecteur, qui
s’attendait à retrouver des visages familiers, est confronté à un personnage mystérieux et dont les
motivations suscitent la curiosité :
l’accroche est parfaite et on ne peut qu’éprouver l’envie de poursuivre. D’autant qu’on retrouvera
petit à petit au fil de ce second récit les
ingrédients qui nous avaient fait aimer le premier : des détails
contemporains, un constant va-et-vient entre réalité et imaginaire, une inventivité foisonnante ainsi que
de nombreuses références, pour la plupart littéraires.
Ces dernières semblent
d’ailleurs nettement mieux digérées
que dans le précédent tome où l’intrigue avait peiné à se détacher de l’ombre d’Harry Potter. Moins transparentes, ces influences ne disparaissent pas tout à fait
du texte : le personnage de Duinhaïn ainsi que son royaume d’Elwander
ressemblent comme deux gouttes d’eau à Legolas et les terres de La Lorien du Seigneur des Anneaux. Éric Tasset est
toutefois loin de rejeter ces filiations : il s’en amuse même et s’ingénie
à les dévoiler à son public avec une
sorte d’autodérision qui les rendent
immédiatement plus appréciables.
Car ces ancrages
ne doivent pas occulter la puissance des
éléments fantastiques mis en scène dans Hyksos.
Ce tome marque en effet le début de la recherche des noms d’Incrées par Thomas
et ses amis. Une quête qui implique l’exploration
de territoires plus vastes, au détriment de l’Animaville de Dardéa dont il
ne sera que très peu question dans le texte. Un mal pour un bien puisque entre
les Cors’airs de Coquillane, l’Architemple et le désert du Neck, les atmosphères particulières pullulent et
contribuent à donner davantage de profondeur et de singularité au monde d’Anaclasis.
Ces
pérégrinations seront aussi l’occasion de faire la connaissance d’une multitude de nouveaux protagonistes,
certains éphémères, d’autres amenés à occuper un rôle plus capital : c’est
le cas des terribles Effaceurs d’Ombre qui parasitent la vibration fossile, de
l’étrange Pierre Andrémi ou de l’aéronaute Jan Bonnfamille. L’équipé de Thomas
Passelande, que l’on retrouve avec plaisir, n’est pas en reste puisqu’outre
Duinhaïn, elle accueille deux nouveaux membres : Palléas de Ruchéa et Pierric qui se découvre des talents de
prédicteur en contemplant les nuages.
Enfin, la trame,
mélangeant habilement thèmes épiques et
préoccupations adolescentes, est toujours soutenue par cette narration brève et efficace qui
n’autorise aucun temps mort au sein du récit. Celle-ci prend d’ailleurs une dimension supplémentaire à travers
les rêves de Pierric qui permettent à l’auteur de raconter par bribes le
déroulement du Grand Fléau tel qu’il a été vécu par les passe-mondes Ki et le
héros Léo Artéan. Une plongée dans le passé originale qui évite intelligemment les monologues historiques
propres au genre fantastique et confère au livre un suspense véritable dont il manque parfois du fait de la rapidité
de ses péripéties.
Toutes ces caractéristiques font de ce
deuxième opus de la série Thomas
Passe-Mondes un ouvrage beaucoup plus mature
que le premier et de surcroit plus agréable : toutes les petites anicroches de Dardéa ont été solutionnées avec
brio et de nombreuses nouveautés
font leur apparition pour le plus grand bonheur des lecteurs. Si bien que sur papier ou en numérique, on a hâte de
connaitre la suite…