La frustration de la page blanche

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« Au début du mois d’août , certains signes difficiles à décrire me firent croire que cette longue élaboration était enfin terminée et je décidai de passer à l’exécution.
Chose étrange , je n’y parvins pas. Tout ce que j’écrivais sonnait creux , ressemblait à une lettre morte. Vers la fin du mois , après maints essais lamentables , j’acquis la conviction que je faisais fausse route. »
Fernand Dumont – La région du Coeur


Vous est-il déjà arrivé un jour de vous retrouver devant pareille situation ? Le stylo à la main , une tasse de café (ou de cacao , ou bien de thé , que sais-je ?) pas très loin , une feuille blanche , l’envie d’écrire et puis … Et puis rien.

Il existe de ces paradoxes dans la vie qu’on ne peut pas expliquer et qui , alors qu’ils nous semblent uniques , relèvent pourtant de l’expérience commune. Cette difficulté de trouver les mots justes lors de l’acte d’écriture en est un bon exemple. En effet , tout le monde a été , au moins une fois dans sa vie , confronté à ce genre de situation où les idées bouillonnent mais où il ne ressort au final de la marmite qu’une vapeur d’indécision en lieu et place d’une bonne sauce épaisse de substantifique moelle. Dans ce cas-là , peut-on parler encore d’angoisse de la page blanche ? Je ne crois pas . Le terme « frustration » de la page blanche conviendrait mieux , il me semble , tant chacun sait à quel point il est énervant de ne pas pouvoir faire montre de ses capacités (quelles soient de rédaction ou qu’elles relèvent d’un tout autre domaine) au moment le plus propice. Souvent , on peut voir sous la voûte d’un ciel laiteux , une courbe d’encre bleue qui représenterait le commencement d’une mer prometteuse pointant à l’horizon. Seulement , parfois, il est impossible d’en dessiner les vagues , d’en créer les remous , impossible d’écrire une ligne pour la lancer dans les fonds troubles , impossible du bout de la plume métallique de ferrer un poisson qui pourrait nous aider à naviguer dans notre imagination . C’est dans ces moments-là qu’on se sent soudainement dans la peau d’un Darwin visitant des Galápagos littéraires en espérant pouvoir comprendre le mécanisme qui fait sortir de l’eau , la vie. Sauf que notre Charles à nous échoue lamentablement à se transformer en singe de papier dans le zoo des journaux.

Il y a comme un blocage qui nous empêche d’aller plus loin, de jouer à Dieu l’espace de 7 minutes , le temps de susciter avec quelques Verbes , le littéraire ou l’expression. D’autant plus qu’il est inutile de recourir à l’obsolète Créationnisme qui est frappé du même moratoire. Car quand le moment n’est pas propice , même avec la meilleure volonté du monde, quand le grain de folie qui fait se distinguer chaque style refuse de s’ extérioriser, il est inutile de forcer le trait. Alors, il faut généralement se résigner et passer à autre chose (cependant , en guise de lot de consolation , le monde d’aujourd’hui offre moult possibilités de délassement). Quant à la frustration accumulée qui vous aura fait renverser votre tasse de café/ cacao/ thé , pas d’inquiétude , elle disparaîtra bientôt : il suffit juste de s’arranger pour obtenir suffisamment de quoi faire pour penser à tout sauf à rédiger. L’esprit est un petit enfant capricieux : c’est quand qu’on ne s’occupe pas de lui qu’il prend la peine de se manifester. Et d’ouvrir les portes de milliers de mondes parallèles qu’il sera impossible de chroniquer.

Coup de vieux J-1 (bis)

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(Merci à Luba pour m'avoir expliqué comment changer de Template.)

Il y a tout juste un an , la veille de mes 20 ans , j’inaugurai un message avec ce titre sur mon blog, en me disant que je devais profiter de mes dernières heures en tant que teenager . Aujourd’hui, je suis à la veille de mes 21 ans et je me dis que le temps a filé à une vitesse hallucinante. Je n’ai pas vu passer la plus belle de mes années (dixit la croyance populaire). Enfin soit. A cette veille d’obtenir une nouvelle année à mon compteur, j’ai pensé qu’il fallait que je me fasse un petit cadeau. Je m’excuse d’avance à ceux qui me lisent souvent , occasionnellement ou pas du tout pour ce propos un peu égoïste. Mais après tout , on n’a qu’une fois vingt-et-un ans alors autant en profiter ! Mmmmh , je disais quoi déjà ? Ha oui ! Que j’allais m’offrir un présent. Ouaip , je vais faire ce que je fais de mieux : le regard rétrospectif sur le passé.

Concrètement , qu’est-ce qui a changé en un an ?


  • - Je suis en troisième BA
  • - Je ferme moins ma gueule , donc je râle plus souvent (je ne sais pas si vous avez gagné au change)
  • - Je n’ai plus de copine.
  • - J’essaie d’écrire de petits textes en prose.
  • - J’ai fait la connaissance des panneaux JC Decaux.
  • - J’ai vu Dream Theater en live (et peux donc mourir en paix … Ha non, il faut que je voie encore The Offspring avec Filleault)
  • - J’ai compris le système triangulaire de Dan
  • - La Belgique se met à gagner des matches
  • - J’ai un pull du Crom
  • - Et un T-Shirt turquoise \o/ !
  • - Je ne fais plus 30 points au bowling mais 70.
  • - Je connais la fin de la trilogie des jumeaux d’Agota Kristof
  • - Je vise le bon arbre dans le tournant-de-la-mort-qui-tue de Molenbeek
  • - L’hélicoptère de police berce mes nuits (ça change des avions !)
  • - Ma maîtrise des pronoms italiens a sombré dans le néant du néant.

Enzevoort…

Il y a aussi tous ces gens que je ne connaissais pas (ou pas bien) à pareille époque , l’an passé et que j’ai appris à connaître .


Il y a aussi tous ceux qui étaient de bons amis et qui sont devenus plus proches. Ceux que j’avais perdu de vue depuis un bon moment et que j’ai redécouvert avec un plaisir infini. Et puis ceux aussi qui ont toujours été là et qui le sont toujours malgré que nos routes aient divergé.


Il y a aussi les 5 follesdingues (elles se reconnaîtront) qui m’accompagnent depuis 3 ans déjà et dont j’apprécie la présence un peu plus chaque jour


Il y a eu du positif. Que je n’ai pas vu.


Il y a aussi ces erreurs passées que j’ai encore commises. Et les nouvelles qui sont encore en phase de rôdage. Des inimitiés qui sont nées et dont je n’ai cure, des petits tracas qui m’ont pourri de temps en temps mes journées, des piques, des déceptions … Au final , qu’importe. Lorsqu’on marche sur le chemin de la vie, on se rend compte que les pierres qui bordent les bas-côtés ne servent pas qu’à embellir la route mais aussi à être lancées sur la gueule du promeneur.


(Les fleurs se font plus rares , en temps de crise)

Il fait tout noir ce soir.

Vingt-et-une lucioles qui s’allument.

Un souffle de vent.

L’obscurité à nouveau

Le vingt se pare d’un un

Joyeux Anniversaire, Hadrien

Mendicité

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Chaque jour , c’était la même routine, le même rituel . On montait les escaliers qui roulaient sous les pas. On avait le soleil qui éblouissait les yeux. On posait les affaires, les fesses à terre puis on regardait autour de nous. En tendant la main. Pour les autres. On voyait toujours les mêmes gens passer devant nous. Tous les jours. Dans des habits différents. Avec des mines différentes. On les voyait rayonnant le matin et ombrageux le soir. Parfois ils passaient rapidement de l’un à l’autre. Derechef. C’étaient des évènements climatiques que la météo ne pouvait pas prévoir. Le ciel. On aurait bien voulu apprendre à distinguer ses humeurs, aux nuages, aussi bien qu’on le faisait avec les gens. Mais beaucoup de personnes qui nous ont parlé, nous ont dit que c’était impossible. C’est dommage. On aurait bien voulu l’apprendre. Pour éviter d’être mouillé par les départs en trombe des pleurs des cumulus.


Chaque jour , c’était donc le même rituel. On s’amusait à inventer les vies des gens qui évoluaient sans nous regarder. On voyait une ride, on se disait : souci ! , on voyait un cheveu gris, on se disait : il vieillit ! Parfois , les habitués marchaient avec d’autres personnes. Ils rigolaient. Parfois criaient. Rarement pleuraient. Des fois mêmes, ils hurlaient à l’oreille de leur ami le téléphone, à propos de poulet à décongeler, de paperasseries à refaire , d’actions boursières qui allaient en enfer, de devoirs à terminer. Ils commandaient avec une cuillère en acier , des bics qui fendaient l’air , des attachés-cases qui se balançaient d’avant en arrière ou avec dans les bras , un petit bébé , on ordonnait à Julien , Alfred, Robert , Kévin de s’activer. On voyait des gens qui envisageaient leur destinée comme une stratégie militaire. Une grande. Avec toutes sortes de pions pour vivre le mieux sur Terre. Sans tomber dans les tranchées de la monotonie.


Quelquefois cependant, sur ces grands champs de bataille personnels, il arrivait qu’une bombe explose, qu’un évènement inattendu survienne, largué par quelque ange du ciel qui passait en vrombissant. Alors les couleurs disparaissaient. On voyait des visages en noir et blanc. Alors le sol tremblait. Les membres s’entrechoquant. Alors les volcans des sentiments éructaient. Déversant des laves d’eau salée, d’ire , de bruits. Parfois , elles étaient séparées. Parfois mélangées. Parfois , elles menaient à l’évanouissement. Tout cela nous rappelle l’histoire de cette fille qu’un petit message sur un écran illuminé avait brisée. Quelques mots l’avaient faillir. Les termes qui l’avaient abattue, on les avait vus. Inscrits sur l’appareil qui, sur le pavé, avait chu. C’était une rupture. On voulait l’aider. On aurait pu. On avait la main tendue. Mais on n’avait pas pu. On devait penser d’abord à notre survie. Á assurer notre subsistance. Et si l’occasion s’était présentée, on n’aurait pas pu la veiller, en attendant l’ambulance. Dans ce monde , on n’a pas d’existence. On n’est juste qu’une présence. Transparente. Que personne ne ressent. Que personne n’entend . Que personne ne comprend. On essaie juste d’obtenir de quoi créer une goutte d’essence. Pour souffrir. En Silence.


J’écris comme les gens me perçoivent. Impersonnel. Diaphane. Pas vivant. Un objet de décorum battu par les vents. Et Dieu seul sait à quel point ils sont violents en sortant de cette bouche de métro. Avec mon poncho rose sur le dos. Je ne bouge pas. Je suis statue. Qui attend de quoi survivre, ou un petit mot de bienvenue. Immobile. Personne ne me voit. Pourtant je comprends leurs peines, je comprends leurs joies. Je peux les aider quand cela ne va pas . Mais comment faire quand on n’existe pas ? J’ai pourtant la main levée. Je n’aspire qu’à cela . Juste une petite pièce. Pour m’aider à franchir le pas.

Leitmotiv.

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Comment devient-on écrivain?
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« Il faut tout d’abord écrire , naturellement. Ensuite, il faut continuer à écrire , même si cela n’intéresse personne . Même quand on a l’impression que cela n’intéressera jamais personne . Même quand les manuscrits s’accumulent dans les tiroirs et qu’on les oublie, tout en écrivant d’autres. »
[…]
« Voici la réponse à la question : on devient écrivain en écrivant avec patience et obstination , sans jamais perdre foi en ce que l’on écrit. »
Agota Kristof - l'Analphabète.

[PM] Prendre de la bouteille.

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Un jour, j’ai compris que certaines assurances
N’étaient pas à vendre, même au prix les plus fous.
Et que des billets chiffrés de zéros doux
Ne pouvaient pas tout avoir, même par l’esclandre
Les financiers qui tiennent les cordons de la vie
Délivrent des saluts à coups d’indulgences
Mais ils n’ont aucune protection à offrir
Lorsque l’on demande, pour affronter le monde,
Un peu de prestance. Ils n’ont rien ces larrons,
Rien d’autre à donner qu’une bouteille à prendre

On m’a balancé la mienne. Elle était vide .
Jalousait les autres qui gambadaient emplies
Et moi qui ne savait vraiment plus quoi en faire
Dans une sombre colère, je l’ai jetée en mer
Une bouteille à la mer ! Mais personne pour la sauver
Les vagues l’ont ébréchée . Je me suis abimé
Flasque, je l’ai rejointe sur un lit d’écume
Pour qu’elle se remplisse. J’ai longtemps attendu
Moi qui pétillait d’envie de remonter le moment venu
Dans un sublime éclat , à la surface.

Cet instant arriva , s’écoula puis passa
On est arrivé sur terre, près d’un goulot
Bouchonné de toute part, histoire d’avoir chaud
Et j’étais sans assurance malgré cela
Paraissant orgueilleusement emplie à l’extérieur
Mais pourtant si fragile à l’intérieur
Petite bouteille qui contient ce que je suis
Sans cesse oscillante et jamais en l’équilibre
Elle pourrait se briser en morceaux
Si facilement. Il suffirait d’un mot.
Comme ce nom de baptême gravé sur ce bateau
Chercher à ce que le paraitre ne cache pas l’être
Pour que le rempli ne noie pas le vide
Une envie aussi solide qu’une ancre en eau
Et une bouteille prise et lancée en une action
Eclate sur la proue en signe d’onction
Des gouttes dorées qui pleuvent sans pareille
Un adoubement de Don pour affronter le monde
Ne pas être ou être , la réponse est la seconde
Est-ce que tout ça, ne vaudrait pas une bouteille ?

Bogue (Autobiographie fictionelle d'automne)

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A toi qui déprimes parce que tu vois le ciel se parer de nuages gris, sans pouvoir rien y faire. A toi qui aimais la douceur du plastique des transats parce qu'elle était le pont entre deux mondes : d'un côté, celui du bois vénérable de la scolarité où, malgré son, règne encore la loi animale. De l'autre, celui des vacances où tu pouvais à nouveau voir la lumière du soleil après une longue traversée forestière dans le noir. Mais tout cela semble si loin désormais.

Écoute petit. Je ne sais pas ce que nous fichons toi et moi sur cette plage à regarder mourir ce soleil. Il n'y a rien qui nous relie, sauf peut-être cette curiosité morbide à regarder une boule de feu se faire bouffer toute crue par la mer. Toi, qui penses que le poids des années me donne une expérience et une sagesse, que tu cherches tout prix à acquérir. Et c'est pour cela que je sais que tu m'écouteras. Alors, parce que j'ai passé l'âge où j'aimais voir les choses mal se terminer, je vais conclure notre fugace rencontre en te racontant la vie. Tu aurais pu choisir laquelle, si tu l'avais voulu, j'en ai tellement eu de toute manière. Mais pour éviter que tu exhumes les blessures du passé, je le ferai moi-même. Je ne veux pas te livrer sur les ailes du vent ce que d'autres portent en étendard pour se croire intéressants. Et te parler d'un temps où il fallait être au fond du trou pour se sentir heureux. Ou du moins, faire semblant de l'être. Non, cela ne te serait pas bénéfique. Je ne te parlerais pas non plus de cette époque où mille francs valaient vraiment quelque chose , où les dessins animés étaient faits avec de vrais dessins, où on lisait les infos dans les journaux. A quoi cela servirait-il que nos étalions nos argumentaires sur des époques que nous comprenons pas? Laisse-moi encore évoluer dans le « c'était mieux avant » et je te laisserai gambader librement dans « le futur, c'est aller de l'avant ».Et sur ce sujet, restons-en là.

Je vois déjà se formuler sur tes lèvres la question que j'attendais : tu te demandes comment cela est-il possible que j'ai eu plusieurs existences, c'est ça? Au fond, rassure-toi, ce n'est pas bien compliqué. Il y a d'abord celle-ci, qui file là maintenant tout de suite, et que tu ne connaitras pas . Et aussi toutes celles qui poursuivent leur cours dans mes rêves. Tous les souvenirs sur ces clés que j'aurais dû prendre aux différents carrefours de ma vie pour ouvrir des portes de perspectives. Même si je n'éprouve aucun regret au niveau de mes choix, quelques fois cependant, mon esprit vagabonde dans le possible et s'imagine mon devenir si j'avais passé tel ou tel palier. En fonction des chambranles, mon destin aurait été fort différent et tu ne m'aurais peut-être pas accosté sur cette bande de sable mouillé. Enfin, il y a aussi les vies que j'invente et de loin ce sont les plus amusantes à narrer car je peux moduler leurs déroulement à ma guise, modeler leurs histoires en fonction de mon public. Aujourd'hui, je vais te raconter l'une d'entre-elles, et je vais te demander de fermer les yeux. Et d'imaginer.

Imagine si au lieu d'être humain, j'avais été marron.

Probablement que ma vision du monde se serait limitée aux bruits d'une cour d'école. Mon père aurait été une terre forte et fertile où ma mère aurait pu s'accrocher pour lutter contre vents et marées. Avec le temps, elle serait devenue le plus beau marronnier du quartier. Et eux deux auraient formé un putain de couple solide comme on n'en voit plus depuis longtemps , même chez les chênes. Puis la nature faisant son cours, ma mère m'aurait donné chaque automne une centaine de frères lors d'un accouchement on ne peut plus écologique, avec le vent en sage femme et de la sève en sédatif. Ce serait au cours de l'une de ses portées que je serais né, en même temps que la chute des feuilles , à une époque dont je ne me rappelle plus l'année. Évidemment , les petits garçons qui s'égayaient en-dessous de ma tête n'auraient pas pu savoir que j'étais un marron. Au départ, je n'étais qu'une bogue, une boule verte hérissée de pointes, qui suscitait plus la crainte que l'admiration.

Quelque chose que tout un chacun pensait solide, inébranlable

En tant que marron, j'étais content d'avoir cette carapace autour de moi. Moi, j'avais peur de ce qui m'attendait dehors. Et pour cause, je ne l'avais jamais vu, ce dehors. Pourtant, la plupart des membres de ma très nombreuse fratrie avait osé le grand saut et avait aluni sur Terre. Leur bogue s'était brisée à l'atterrissage, mais pour eux, cela importait peu. Ils aimaient tellement leur nouvelle existence! Du haut de ma branche, bien emmitouflé , dans ma couverture d'épines, j'entendais leurs voix m'enjoindre de descendre pour découvrir cet Éden. Mais pour moi, châtaignes que tout cela! Je ne voulais pas. J'étais têtu. Descendre, je trouvais cela farfelu! Et ce fut ainsi jusqu'à ...

On ne fait pas toujours des choix. Un coup de vent plus tard et je me retrouvai en bas.

Mais ma bogue était toujours intacte alors je restai dedans. Pendant un bout de temps. Bien sûr, il y eut beaucoup d'amis , de passants, de samaritains qui tentèrent de m'en faire sortir .En vain. J'étais têtu. Je voulais vivre seul et je faisais tout pour cela. Quitte à dégoûter mes démarcheurs. Ce qui arriva.

Mais on ne fait pas toujours des choix.

Il y eut finalement des personnes courageuses, extraordinaires qui persistèrent, qui n'eurent pas peur de se frotter, de se piquer à mes barricades. Si les marrons avaient une religion, je dirais des Saints qui comptent pour moi. Et même si ce n'est pas le cas, je m'en fiche. Je suis têtu, je te l'avais dit.
Une épine tomba, une fissure apparut, et un marron solitaire se trouva à la rue.

A la découverte du vaste monde!

Tu sais petit, ma narration de marron s'arrêterait là. Parce que l'existence de quelqu'un n'appartient qu'à lui et ce n'est que lui qui peut décider de la partager avec quelqu'un , tu saisis? Mais comme tu m'es sympathique et que l'enterrement de l'astre solaire touche à sa fin , je ne vais pas te laisser sur ta faim. Je te dirais simplement que le marron vivra son destin, avec des hauts, des bas et des jours moyens. Parfois, il sera malheureux et se demandera quoi faire. Parfois il sera heureux , pendant des laps de temps plus au moins courts. Mais au-delà des montagnes russes de son quotidien, il sait qu'au fond de lui, il a un espoir. Un jour, il trouvera lui aussi une terre accueillante, quelque chose à se lier. Que ce soit dans dix ou vingt ans , ce n'est pas grave. Il sait que ça arrivera. Car attendre, c'est espérer.

L'espoir , c'est la plus belle chose qui existe au monde petit, alors ne désespère pas et dis-toi bien que tous les bas du monde ne sont que des prétextes, des tremplins pour viser encore plus haut. Toi, petit homme, qui viens de repartir de cette plage souillée par la marée noire du ciel et qui ne te doutes pas que dans les aventures de ce petit marron, il y a un peu le suc des miennes. Je suis têtu, c'est vrai,mais quelques fois on ne fait pas toujours des choix.
Finalement, retiens juste que c'est parce qu'on a peut-être tous un peu de marron en nous que la vie aime tellement nous en donner.

La Belgique se raconte (III)

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Et puis Jefferson lança sur moi le voile de son regard pour m'écarter de cette coupe. Je le sentis très distinctement se poser sur moi et m'effleurer comme une invitation au voyage pour se reprendre et se remettre à espérer. Je levai la tête et effectivement, il me regardait. Jefferson habitait la maison mitoyenne à la mienne : on se connaissait et depuis le temps où il était installé ( au moins une vingtaine d'années selon mon père) : il m'avait vu grandir. C'était quelqu'un de très gentil et il arrivait de temps à autre qu'il m'apostrophe pour discuter de tout et de rien. Très cultivé, il avait été soldat durant la Deuxième Guerre Mondiale et il me racontait souvent des histoires s'y rapportant avec son accent américain qui donnait une musicalité réellement envoûtante au récit. Pourtant les gens s'en méfiaient un peu. Peut-être à cause de son passé,peut-être à cause de sa nationalité, peut-être parce qu'il était métisse tout simplement. Un subtil mélange de noir et blanc qui voyait cependant la vie en couleurs. Prenant le soleil, juché sur son éternel fauteuil à bascule en bois, il me regardait fixement en grattant distraitement les cordes de sa guitare en me lançant l'un de ses sourires flamboyants. Une invitation au dialogue. Au réconfort. Un phare pour ramener à bon port la barge de ma raison.

« -Qu'est-ce qui ne va pas, Lucas? , me demanda t-il de prime abord, tu sembles triste et nerveux aujourd'hui. »
En même temps, il sortit de ses incommensurables poches une barre chocolatée qu'il me tendit. Je la pris avec reconnaissance.
« -Hé bien ... , commençais-je avec hésitation, ... J'ai peur.
- De quoi?
- Du monde.
Je lui racontai tout le cheminement de pensée qui m'avait amené à considérer la « Belgique » comme un monstre gargantuesque à bedaine ronde.
Jefferson eut un sourire . Pas un sourire moqueur qui vous fait sentir imbécile. Non un vrai sourire, celui qui transmet de la joie et réchauffe le cœur.
« - Rassure-toi, la Belgique , ce n'est pas un monstre comme tu le dis. C'est le nom de ton pays tout simplement. Mais comme tu l'as bien deviné , c'est bien quelque chose de vivant, parce elle vit et qu'elle a une histoire. »
Mes pires craintes étaient confirmées. On vivait sur une terre....vivante.
Jefferson dut intercepter mon regard empli d'effroi car il ajouta immédiatement :
« -Hey boy, arrête d'avoir peur pour rien. La Belgique , elle vit, mais pas de la même manière que nous. Because c'est nous qui la faisons vivre, tu saisis? »
Il était comme ça , Jefferson, il ne pouvait pas s'empêcher de temps à autre de truffer ses propos d'américanismes alors qu'il parlait un excellent français. C'était sa manière à lui de garder un lien avec ses racines tout en ayant totalement assimilé les complexités de la culture belge.
Sa réponse m'avait cependant laissé fort perplexe :
« -Je ne te crois pas. Je ne pense pas que cela puisse être possible d'aider un pays à exister. D'ailleurs , moi, je ne fais rien pour. Et les autres copains de classe non plus. Parce que c'est impossible. »
Jefferson sourit alors. Et je fis connaissance pour la première fois connaissance avec ce croissant de lune brillant, avec cette lumière salvatrice diffusée pour ramener l'esprit obstiné d'un petit garçon têtu au bercail.
« Je vais t'expliquer ».
Il prit alors derrière lui sa guitare. Elle était tout en bois fort usé et les cordes étaient tellment fines qu'elles paraissaient devoir se briser instantanément au moindre coup de doigt .
« -Comme ta maîtresse te l'a probablement expliqué, la Belgique est divisée en trois parties. Pourtant c'est quand même une et une seule entité (il dut m'expliquer ce que ce mot signifiait). Comme ma guitare. Tu vois, elle est composée d'une caisse, d'un manche et de cordes. C'est l'union de ces trois éléments qui assure l'harmonie de mon instrument. Enlève juste l'un d'entre-eux et elle n'aura plus aucune raison d'être. Ici c'est le travail d'un luthier qui a permis à cette addition d'individualités de fusionner et de traverser les années. Pour la Belgique, c'est son peuple. C'est dans l'union de celui-ci que le pays tire sa force.... »

Encore une fois , je hochai la tête négativement, j'étais persuadé qu'il me racontait des sornettes pour que je ne m'inquiète plus. Un truc typique des grandes personnes, ça. Mais malgré mon jeune âge, je pensais déjà être capable de percevoir les grosses ficelles de ce mécanisme bancal. Du moins, j'en étais persuadé.
« -Arrête de mentir! Moi j'entends tout le temps à la télévision qu'on se dispute beaucoup et qu'un jour , on va finir par se séparer! »

A cette remarque, Jefferson prit un air plus grave.
« -Effectivement. Il y a certes une minorité qui se chamaille , qui se dispute pour des pacotilles et qui s'amuse à poser des bombes un peu partout en clamant constamment qu'à la moindre vexation, tout exploserait. C'est vrai que c'est assez grave pour s'en préoccuper mais ce n'est en aucun cas à cause de cela qu'on se diviserait pour de bon. And you know why? Parce que tant qu'il y aura dans ce pays, une majorité de personnes qui continuera à avoir la volonté de vivre ensemble , sans se soucier des différences de l'autre mais en acceptant son altérité (là aussi je demandai une explication de ce mot), ça n'arrivera pas. Tant que le peuple continuera à se penser comme tel, il se tirera vers le haut et aura un cap de vie à tenir. Dans le cas contraire, il deviendra comme les pièces de ma guitare que je t'ai montrées : Quelque chose qui est mais dont l'existence seule n'a aucun sens. »

Jefferson me sourit à nouveau. Son discours m'avait rassuré et je me sentais soudainement très stupide d'avoir pu imaginer tant de choses aussi idiotes. Mais est-ce que je pouvais m'en blâmer? Avec le recul, je ne pense pas. L'enfance est cette époque où l'inimaginable semble si près d'être réel et où l'impossible n'est que très peu envisagé. Il faut attendre que le poids des années se fasse conséquent sur nos épaules pour soumettre notre créativité aux lois de la rationalité.
Plongés tous les deux dans une profonde réflexion, j'entendais le discret grattement des doigts de mon voisin sur son instrument, il marmonnait, plus sans doute pour lui-même que pour moi : « En musique, ça pourrait donner ceci... »

Qu'est-ce qu'aurait pu donner en musique les aventures d'un gros géant anthropophage nommé Belgique ? Je ne le sus jamais. Un crissement de pneus, une tête blonde qui dépassait de la fenêtre, quelques flèches de reproche et un torrent d'excuses eurent tôt fait de me ramener à la maison.

Mais ce soir-là, quand ma mère eut achevé de border ce petit Lucas qui n'était rien d'autre que moi et quitté ma chambre, je m'endormis avec la certitude d'avoir rencontré un exemple à suivre , un guide pour ma jeune existence. Et également l'impression que cette conversation fut la première d'une longue série.

Ce qui fut effectivement le cas.

Mais cela, c'est une autre histoire.

La Belgique se raconte (II)

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Le monde!
Il n'avait jamais pensé que les endroits qu'il foulait quotidiennement puissent n'être qu'une infime partie d'un ensemble encore plus vaste. Le monde! Le sien à l'époque ne se composait finalement que de « la maison » qui n'était rien d'autre que le lieu où il résidait de « l'école » , le lieu où il apprenait et du « parc » , le lieu où il pouvait jouer avec les copains, les jours de beau temps.

Lorsque la maîtresse lui apprit ce jour-là qu'il vivait dans un endroit dénommé « Belgique » , il était tombé de haut. Il n'avait jamais entendu ce mot auparavant , ni de la bouche ses amis, ni de celle de ses parents. Mais ces derniers savaient-ils au fond qu'ils vivaient en « Belgique » ? Probablement que non sinon ils lui auraient dit ! A moins que ça ne soit un secret? Mais non, cela ne pouvait pas être possible parce que ceux qui révèlent les secrets sont de mauvaises personnes et la maîtresse était assurément quelqu'un de bien. D'ailleurs, quel drôle de nom, « Belgique »! Cela devait être un mot étranger, sans aucun doute et sûrement d'une propreté douteuse!

Mais à écrire avec une majuscule devant , la maîtresse avait lourdement insisté là-dessus.

En se remémorant cette remarque, le petit Lucas fut alors pris d'une pensée lugubre qui le fit trembler de tous ses membres. A postériori, elle paraîtra idiote pour une majorité d'adultes mais bon nombre de psychologues vous diront que c'est là une réflexion on ne peut plus logique pour un gamin de 10 ans. Car Lucas venait de se rappeler qu'il ne côtoyait les majuscules à l'école que pour écrire son nom ou pour chercher les noms des personnages célèbres de l'Histoire (« aussi avec une grande lettre devant, c'est important! ») dans le dictionnaire. Très vite, il se mit alors à imaginer que la Belgique était une personne vivante puisque seuls les gens avaient de grandes lettres et que lui ...

Il habitait à l'intérieur!

Il scruta paniqué le ciel ensoleillé et rempli de nuages qui se faisaient la course sur un circuit azur. Il blêmit un peu plus encore à cette vision . Autre flash.Autre temps. Et le souvenir d'un autre cours , celui de sciences où la maîtresse leur avait enseigné l'estomac quand on lui avait demandé ce que devenait une carotte après avoir été mangée. Pour illustrer le processus, la maîtresse avait pris un ballon gonflable pour leur expliquer , un ballon... aussi circulaire que la voûte céleste! L'imagination de Lucas se mit à faire des cabrioles et une terrible vérité s'imposa à lui : lui, ses parents, le village, ils vivaient dans l'estomac d'un monstre prénommé « Belgique » (cela ne pouvait être autre chose qu'un monstre avec un nom pareil)! Et comme pour corroborer ses dires, l'image d'un géant sale et barbu au ventre rebondi apparut devant ses yeux .
« -Mais madame, après avoir passé l'estomac, la carotte, elle fait quoi? Avait demandé Alvin
Ce jour-là, la maîtresse avait renoncé à tenter d'élaborer une explication « enfantine et politiquement correcte » du processus de la digestion et lui avait répondu le plus naturellement du monde :
-Ils deviennent ce qui sort de toi quand tu vas faire une grosse commission .»
Silence religieux de la classe devant la révélation de ce dogme fondamental des choses de la vie.
Que font les petits enfants lorsqu'ils ont peur? Certains se cachent en dessous de leurs couvertures. D'autres se réfugient dans le giron de leurs parents. Et puis, il y a ceux qui courent. Et il courait, il courait le petit Lucas , il courait. Contre le vent, contre les arbres, contre les pierres, contre « Belgique » ... Je ne veux pas mourir. Non, je ne veux pas subir le destin de la carotte! Je ne veux pas être digéré! Je ne veux pas achever son existence au fond de la cuvette du jardin en compagnie des puces et des araignées! Il fallait se barricader à la maison et de ne plus jamais en sortir. Sous aucun prétexte.
J'avais juste oublié un détail : mes clés. Distraitement laissées sur son bureau au moment de prendre la route du savoir. Hurlement de rage et pleurs en sentant ma fin arriver.

La Belgique se raconte (I)

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Texte écrit pour le concours "La Belgique sera conte" (www.contesprookjes.be) mais non terminé à temps.

Ce fut d'abord son grand sourire blanc qui me revint le premier en mémoire.

Je me rappellerai toujours de ce jour pluvieux de juillet. Et de ces trois coups. Ceux du facteur. Et de cette lettre soigneusement pliée dans une enveloppe noire aux filigranes d'argent. Comme un iceberg de malheur au milieu de l'océan blanc des autres missives. Ce contraste aurait dû me mettre sur la piste du propos que ce mouton noir de papier contenait. Son jeu de couleurs aurait dû me mettre sur la piste de la personne qu'elle concernait. Mais sur le moment même, je ne remarquai rien. Peut-être parce que cela faisait longtemps que j'avais perdu l'envie de jouer. Depuis que mon quart de gloire personnel avait décidé de se prolonger, des lettres, j'en recevais plusieurs sacs entiers quotidiennement. Alors à cette échelle, une de plus ou de moins, au fond, cela avait-il encore vraiment une importance? D'autant qu'il aurait pu simplement passer à la trappe, ce message de mauvaise augure. Tombé anonymement dans la poubelle de l'oubli, déjà has been alors qu'à peine né , déversé avec d'autres congénères par l'Hadès impitoyable que j'étais dans ce Cocyte de métal glacé. C'était le temps où je détruisais des milliers d'espoirs couchés sur papier, comme autant de fragments d'âmes qui n'auront pas eu la chance d'atteindre que ce soit moi ou le Paradis suprême.



Qu'est-ce qui, ce jour-là, m'avait fait gracier cette enveloppe de son funeste sort ? Peut-être la mention « Pompes Funèbres ». Inhabituelle à voir émerger à travers les vagues des panégyriques d'admirateurs. Et puis existe t-il un titre plus accrocheur que celui-ci? La mort ou tous les mots s'y référant constituent la peur la plus paradoxale de l'homme : ils suscitent crainte et fascination. Parfois même la curiosité. Morbide certes. Mais une curiosité qui tend néanmoins à être assouvie. Je crois que c'est cela qui m'a poussé à ouvrir et à prendre connaissance du contenu de la lettre. Et à me laisser calciner le cœur par le feu de son malheur . Et à laisser ce dernier remonter jusqu'à mes yeux pour s'écouler en geysers de désespoir.



Le dieu de l'Enfer venait en personne mettre fin à mes mascarades de pauvre mortel.



Ce fut ce jour-là que j'appris le décès de Jefferson et la porte de mes souvenirs s'ouvrit tout grand pour rendre hommage à sa mémoire.



Sous un soleil de plomb, la cloche s'était mise à sonner. Un rituel immuable depuis 150 ans dans la petite école du village. Au bruit des derniers coups de carillon commençaient à se mêler les voix des élèves qui se pressaient de rejoindre le portique pour enfin aspirer à la liberté de fin de journée. Garçons , filles, tous de corpulences diverses et variées, mais néanmoins vêtus du même uniforme , formaient une armée qui semblait s'élancer avec un enthousiasme débordant à la conquête de leur vie. Chaque jour qui passait était pour eux une brique supplémentaire à insérer dans l'édifice de leur existence . Qu'elle n'était qu'à ses fondations leur importait peu, ils étaient encore à l'âge où on espère pouvoir tout achever rapidement afin de devenir le propriétaire de soi-même, où on a pas encore conscience que des aléas peuvent à tout moment doucher tout entrain par une pluie de petit tracas gorgés d'effet papillon.


Lucas était l'un de ces enfants qui se précipitaient vers la sortie de l'école. Lui aussi , avec le savoir qu'il avait accumulé aujourd'hui avait pu continuer à façonner les contours de ce qui se révèlerait être son futur mais avec beaucoup moins d'exaltation que ses camarades de classe . En réalité , le petit Lucas avait aujourd'hui quelque chose d'important à faire, de loin plus crucial que de tenter d'ériger un destin sur lequel on aurait de toute façon aucune prise.


Hasard oblige.


Non, aujourd'hui , il avait mis un doigt sur ce qui allait bouleverser durablement sa vie. Aujourd'hui, le petit Lucas, 10 ans, venait de découvrir le monde.
Pour les grandes personnes et les bourlingueurs de tout poil, faire connaissance avec le milieu qui les entoure n'a probablement pas été l'évènement le plus marquant de leur existence. Ils ont été certes remués, choqués lorsqu'on leur a fait prendre conscience de l'immensité des terres qui les encerclaient. Mais par la suite, d'autres évènements se sont greffés sur le corpus de toutes les choses qu'ils ont vécues. A un tel point que ce qui fut extraordinaire dans leur passé, ne leur parait plus qu'une banalité dans le présent. Pour comprendre les sentiments que suscitent la rencontre avec le monde dans sa vraie forme, il faut capturer leur essence sur le moment même, recueillir chaque pensée, chaque geste, chaque regard avant que les secousses d'une autre nouveauté ne les estompent, avant que la monotonie du quotidien ne les annihile complètement.
Lucas remonta silencieusement la pente qui se présentait à lui, les yeux vides, l'esprit plongé dans une profonde réflexion. Il n'avait pas vu la racine qui dépassait malicieusement du sol. Il n'avait pas vu que le chêne centenaire de la route essayait de lui jouer un mauvais tour. Alors quand son pied rencontra l'obstacle, il ne put résister à la violence de la collision et tomba à la renverse. Il n'y eut pas un seul cri, pas même un petit gémissement , juste quelques perles de sang qui s'évadèrent de son genou pour venir abreuver une terre qui n'en avait plus goûté depuis fort longtemps. Le petit garçon se releva et continua sa route.

You know, you're right ...

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Flash-Back.

Tu m'as rappelé qu'on avait eu des discussions , il y a quelques années , lorsque tout n'était pas rose. Et plusieurs fois tu m'avais dit que finalement tout allait s'arranger, qu'on finirait par reconnaître en moi des qualités intrinsèques. Et que cette reconnaissance serait le début de ce qu'on appelle la Vie. Avec un grand V. Celle avec tous ses ennuis mais également ses innombrables moments de joie.

Sur le moment, je ne t'ai pas cru ou alors à moitié. C'est vrai qu' à 14,15,16 ans, on a encore la tête remplie de rêves dont on sait qu'ils ne se réaliseront jamais mais auxquels on veut quand même donner forme : quand je te clamais que je désirais ardemment devenir pilote de Formule 1 , pongiste professionnel ou encore arbitre, toi, tu souriais. Tu savais pertinemment que c'était perdu d'avance. Pas par manque de volonté, c'était certain. Mais juste parce que comme tu le dis toujours avec ton rire sonore :

" Tu ne seras jamais un grand sportif mais au moins tu as une tête "

Et ce ne sera jamais le cas, nous en sommes désormais tous les deux persuadés. Mais qu'importe. Au final, tout ce que tu avais prédit , est arrivé. On m'a reconnu des qualités. On m'a reconnu des interêts. On a découvert sous la coquille solitaire une perle comme jadis on extrayait sous les pavés des morceaux de plage. Bien sûr cette boule de nacre est pétrie de défauts, d'aspérités, d'irrégularités. Mais pour certaines personnes , cela n'a que très peu d'importance : il y en a quelques-unes qui s'en parent et la laissent briller, d'autres qui l'accompagnent dans ses pérégrinations , il y en a même eu une pour l'aimer.

Tu avais raison depuis le début et j'ai mis 6 ans à m'en rendre compte.

Mais tu sais, même si la victoire qui se dessine un peu plus nettement depuis deux ans compte un groupe non-négligeable d'acteurs, tu y occupes une place particulière.

Et la fierté avec laquelle tu vois les lignes prendre consistance rejaillit sur moi comme une récompense.
 
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